En e-résidence au Labo à Toronto, l’artiste multidisciplinaire Camille Bernard-Gravel se penche, depuis deux semaines, dans l’analyse du bien-être du corps en relation avec la nature, un thème qui l’interpelle souvent pour ses œuvres.

C’est une explication peut-être un peu simpliste pour tout son travail et sa réflexion sur l’isolement qu’a créé la pandémie. « J’ai toujours vraiment aimé aller en nature et me promener, puis j’utilise la technologie pour réaliser mes idées », raconte-t-elle.

Elle part donc de cette nature qui guide son utilisation de technologies. « Pourtant, depuis la COVID et l’isolement chez-soi, c’est le contraire, la technologie est nécessaire afin de partager son art », confie-t-elle de son parcours.

Les sculptures, vidéos et installations de cette artiste originaire de Québec ont été exposées au Canada, en Argentine, en France, en Thaïlande, au Mexique et aux États-Unis. Tout en étant activement engagée dans la communauté artistique de Québec depuis 2012, elle a participé à plusieurs résidences et évènements internationaux tels que Québec Digital Art in New York (2015), la Biennale internationale d’art numérique de Montréal (2016) et le Mois Multi de Québec (2018).

« Je tente de réveiller des choses qu’on ne remarque peut-être pas dans la nature et, récemment, je les relie au corps humain », explique-t-elle. À l’heure actuelle, Camille Bernard-Gravel travaille notamment des œuvres telles que des coussins orthopédiques sur une structure en forme de cercueil.

« Durant la pandémie, j’ai cherché toutes sortes de manières de me sentir bien. Je pensais à mon corps par rapport à l’utilisation des écrans. Je m’inspire de ce que je vis et ces coussins, je les utilise pour mes problèmes de dos », partage-t-elle.

Pour ce qui est de la forme du cercueil, c’est peut-être représentatif de la mort qui fait partie du cycle de la vie. « Je ne vois pas ça comme morbide ou négatif, mais parfois certains facteurs, telles les conditions dégénératives du corps, mettent la mort en avant-plan », ajoute-t-elle.

Durant sa résidence virtuelle au Labo, l’artiste travaille dans un monde numérique avant de recréer ses créations physiques. « Je commence juste à faire des modélisations en ligne qui me permettent ensuite d’en faire une version assez fidèle en vrai. L’animation de la peau qui tombe sur deux bâtons est une modélisation des effets la gravité sur une texture spécifique », précise-t-elle.

Une de ses œuvres antérieures illumine un champ au Mexique rural d’une sorte de télévision sans signal. En fait, c’est une illusion créée à partir de morceaux de métal et d’un jeu de lumière au bon moment de la journée. L’apparition, qui marie nature et technologie, est quasi surréelle à l’œil nu.

En plus de son Baccalauréat en art visuel de l’Université Laval, l’artiste se proclame profondément autodidacte : « Je suis curieuse, donc je n’arrête pas de créer. Ce n’est pas le matériel qui m’inspire, je choisis plutôt ce qui va pouvoir transmettre mon idée. »

Un commentaire du public remet en question l’originalité dans ses réflexions artistiques. En effet, il y a tellement de choses qui existe déjà, qu’est-ce qui est vraiment nouveau? Ou est-ce même une pensée pertinente? Pour Mme Bernard-Gravel, l’originalité ne semble pas être un concept anxiogène, au contraire. « J’aime l’idée que nos travaux sont des œuvres collectives à l’échelle du monde, entre personnes qui ne se connaissent même pas. On prend une idée ici et là et on la retravaille sous d’autres angles », conclut-elle.

PHOTO – Camille Bernard-Gravel