Invitée par le Club canadien de Toronto lors de son tout récent déjeuner d’affaires, Tasha Kheiriddin estime que les Canadiens peuvent s’attendre à voir des changements sur la scène politique et économique du Canada dans les mois à venir. Analyste et commentatrice politique de renom et fine observatrice des milieux conservateurs, elle prédit que la conjonction de quelques événements récents va peut-être mettre en péril le gouvernement conservateur aux prochaines élections fédérales en 2015.
Partisane d’un « petit gouvernement » qui laisse place à l’initiative individuelle et qui ne s’ingère pas de façon outrancière dans la vie des individus, Mme Kheiriddin a fait observer combien les gouvernements passés, libéraux comme conservateurs, n’ont pas hésité à intervenir pour servir des intérêts politiques qui allaient à l’encontre des principes de l’économie de marché. Elle ne fut pas sans rappeler les politiques interventionnistes de Pierre Elliott Trudeau en matière d’énergie ou mêmes celles du gouvernement Harper lors de négociations de contrats en matière de défense.
Mme Kheiriddin estime que les mesures mises en place par les Conservateurs au cours des dernières années pourraient être renversées si le locataire du 24, rue Sussex venait à changer. Selon elle, les actions portées par le gouvernement Harper pour favoriser l’exploitation des ressources naturelles, changer la législation environnementale et encourager la mobilité de la population sont le résultat d’une volonté de déplacer le centre économique du Canada vers l’Ouest.
L’agenda conservateur est menacé par deux événements qui pourraient s’avérer comme annonciateurs de temps plus difficiles, selon Mme Kheiriddin. La menace que le projet de pipeline Keystone XL pour transporter des hydrocarbures depuis l’Ouest canadien vers les États-Unis soit annulé par la Maison Blanche et l’accession de Justin Trudeau à la tête du Parti libéral pourrait venir changer la balance politique au pays.
Selon la conférencière, les Conservateurs essuieraient un sérieux revers si le projet de pipeline venait à être annulé par le président Obama. Un tel changement de cap aux États-Unis entamerait sérieusement la crédibilité du gouvernement conservateur en matière de protection de l’environnement.
Mme Kheiriddin juge que la jeunesse et le pouvoir médiatique de Justin Trudeau contrastent avec le style plus « vieux » de Stephen Harper. Elle prend à témoin la nette différence d’impression donnée par les deux hommes dès le premier jour du nouveau chef libéral à la Chambre des communes. Elle entrevoit également l’exode de certains Néo-démocrates vers le Parti libéral, et même pourquoi pas une possible fusion des deux partis. Mme Kheiriddin estime qu’une telle alliance constituerait l’établissement d’un parti « quasi permanent » au Canada.
Interpellée par un invité comme une « conservatrice de cœur » mais parfois critique des politiques du gouvernement conservateur, Mme Kheiriddin cite Margaret Thatcher et ses parents comme modèles influents dans sa vie et dans ses opinions politiques. Elle prône un système politique et économique libéral mais concède cependant que le gouvernement doit parfois intervenir pour protéger les plus démunis. Elle se remémore à la fois l’aversion qu’avait son père pour le conservatisme pur et dur de même que la hantise qu’éprouvait sa mère envers le communisme.
Les invités du Club canadien de Toronto auront sans aucun doute pris en note les observations et les prédictions de Mme Kheiriddin. Si ces dernières s’avèrent justes, la vie politique au Canada devrait être passionnante durant les deux prochaines années.
Photo : Tasha Kheiriddin