Le Club canadien de Toronto conviait ses membres à son déjeuner-conférence d’affaires, le mercredi 12 avril, pour écouter le journaliste et collaborateur politique à Radio-Canada, Daniel Lessard. Le thème de son allocution portait sur l’avenir du journalisme politique à l’ère numérique.
Cependant avant de présenter le conférencier, le Club canadien et le Groupe Média TFO ont rendu hommage à Adrien Cantin, journaliste franco-ontarien décédé le 22 mars dernier. Gisèle Quenneville, productrice principale (Contenus communautés francophones) du Groupe Média TFO est revenue sur la carrière de M. Cantin qui s’est échelonnée sur près d’un demi-siècle.
« Il aimait beaucoup sa communauté, il la chérissait, rappelle Mme Quenneville. Il osait dire les choses. Il provoquait des débats, toujours dans un souci de nous faire avancer. » Elle a relaté les meilleurs moments de sa carrière et présenté sur écran géant des images du regretté communicateur. Puis elle a invité le fils de M. Cantin, Benjamin, à prendre la parole. Il a parlé de son père avec émotion, de son amour inconditionnel pour sa famille et la communauté franco-ontarienne. Il a ajouté : « Je suis fier d’en être un et d’être le fils de papa ». Au nom de sa famille, il a remercié chaleureusement le Club canadien et TFO pour l’hommage rendu à son père.
Après le déjeuner, c’était le tour de Daniel Lessard. « Le journalisme politique est devenu un métier dangereux, dit-il en parlant du mouvement populiste, qui nuit à la profession, mais auquel nous devons nous habituer ».
M. Lessard a fait ses débuts en radio privée en 1969 avant d’entrer à Radio-Canada-Ottawa en 1972. En 1979, il est devenu correspondant national affecté à la Colline parlementaire d’Ottawa, poste qu’il a occupé pendant 32 ans. Il a été responsable de la couverture de huit premiers ministres canadiens et était toujours au cœur des grands événements politiques.
Il a raconté quelques anecdotes amusantes de ses débuts dans le métier, dont une avec Pierre Elliott Trudeau, « l’homme public le plus impressionnant que j’ai rencontré », ajoute-t-il. Une autre sur Brian Mulroney qui, semble-t-il, boudait les journalistes lorsque ceux-ci voulaient faire un reportage qu’il n’aimait pas. « Ça pouvait durer des mois », raconte M. Lessard en souriant.
Quant à la difficulté d’être journaliste, il a fait un parallèle avec la récente campagne américaine au cours de laquelle Donald Trump considérait le New York Times comme son ennemi numéro un et refusait de répondre aux questions de ses journalistes. « Les représentants des médias aujourd’hui sont chahutés, boudés, hués et ignorés comme c’est le cas en France, de nos jours, dans le cadre de la campagne présidentielle, renchérit-il. Au Canada, on n’en est pas encore là, mais les politiciens, comme Justin Trudeau, s’entourent de gens qui gèrent les médias et choisissent à qui et de quoi ils veulent parler. Les liens sont rompus entre les politiciens et le journaliste, et entre le journaliste et le public. La confiance en prend un coup et le public devient de plus en plus inquiet. »
Le conférencier a aussi touché un sujet controversé pour plusieurs, soit le problème des réfugiés (politiques ou autres).
« Autre phénomène qui bouleverse la société est celui des réfugiés. Nous sommes tous un peu racistes, même si l’on ne veut pas l’admettre. L’arrivée en masse de réfugiés cause un problème de société inquiétant et avec lequel il faut composer. La méfiance s’installe partout au pays et le gouvernement ne sait pas comment intégrer ces gens-là, comment se sortir de ce phénomène-là. »
« Le plus grand problème pour le reporter politique aujourd’hui est le phénomène des médias sociaux, tout va trop vite maintenant. Il faut nourrir cette maudite bête-là et elle a toujours faim! On n’a pas le temps de réfléchir ni de faire la part des choses, tout doit sortir tout de suite. L’autre problème est que la vérité absolue n’existe plus. Les gens vont croire ce qu’ils veulent, et entendent ce qu’ils veulent. Les politiciens sont devenus des génies dans ce domaine, car ils savent manipuler leur message sur les médias sociaux et rejoindre le public ciblé. N’importe qui s’improvise journaliste de nos jours et c’est devenu un phénomène inquiétant. Le journaliste doit dire aux gens ce qu’ils doivent savoir et ne pas se laisser intimider », conclut-il.
Photo : le journaliste Daniel Lessard a évoqué l’avenir de sa profession à l’ère numérique.