Les communautés universitaires et les politiques s’emparent peu à peu du délicat sujet de la violence sexuelle sur les campus. La publication le 21 mars du rapport parlementaire du Comité permanent de la condition féminine sur la violence fondée sur le sexe a contribué à mettre en avant un phénomène inquiétant, certainement sous-estimé en raison du silence des victimes. Le document de 160 pages intitulé Agir pour mettre fin à la violence faite aux jeunes femmes et aux filles au Canada met le doigt sur une réalité aux multiples facettes, du harcèlement de rue à la cyberviolence, et apporte plusieurs recommandations, visant notamment les campus.
Regards concupiscents, plaisanteries dégradantes, attouchements… les jeunes femmes sont particulièrement exposées dans les bars des campus, les résidences et les quartiers environnants, souligne le rapport. Au total, 700 agressions ont été recensées entre 2009 et 2015 au Canada. Dans 80 % des cas, elles sont commises par une connaissance de la victime et les deux tiers surviennent durant les huit premières semaines de cours. De 20 à 25% des femmes en âge de fréquenter le collège ou l’université subiront ainsi une forme ou une autre d’agression sexuelle pendant leurs études.
Derrière ces chiffres, les répercussions sont durables et la cicatrice psychologique conduit parfois à l’abandon des études. Près d’une victime sur deux rapporte des conséquences préjudiciables affectant une ou plusieurs sphères de sa vie, telles que la réussite scolaire ou professionnelle, la vie personnelle ou sociale, la santé physique comme mentale. Pour une victime sur dix, les conséquences s’apparentent au trouble de stress posttraumatique.
Pour lutter contre ce fléau, le rapport préconise que les universités divulguent leurs statistiques sur les cas de violences sexuelles dans leur campus et se dotent de politiques qui permettent de mieux informer leur communauté des démarches à entreprendre et des canaux existants pour appuyer les victimes et témoins.
Le même rapport suggère au gouvernement fédéral de prendre sérieusement les choses en main et d’encourager tous les gouvernements à discuter des mécanismes, notamment législatifs, par lesquels les établissements d’enseignement postsecondaires pourraient être obligés de mettre en œuvre des politiques distinctes en ce qui concerne les agressions sexuelles. Le financement d’une campagne nationale de sensibilisation et une collaboration plus étroite avec les organismes communautaires figurent parmi les autres recommandations.
À l’origine de plusieurs campagnes de sensibilisation sur le consentement et satisfaite d’avoir été entendue sur plusieurs points, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants regrette toutefois que le rapport ne se traduise pas dans les faits par une loi.
« Cela restera vraisemblablement à l’état de recommandations, glisse Anne-Marie Roy, vice-présidente nationale de l’organisation étudiante. Rien ne contraindra les établissements postsecondaires à respecter ces améliorations. C’est donc aux étudiants de se battre pour bien négocier la mise en place de protocoles et de services d’aide. Ces outils, obligatoires dans certaines provinces comme l’Ontario, doivent s’appuyer sur l’expérience des survivantes et être gérés par les étudiants eux-mêmes, en collaboration avec les organismes existants. »
La balle est désormais dans le camp des universités. Certaines n’ont pas attendu un renforcement de l’arsenal législatif pour prendre leurs responsabilités. À l’Université de Windsor par exemple, des ateliers gratuits viennent d’être mis en place, depuis avril, afin de sensibiliser les professeurs et le personnel et les aider à mieux appréhender la question : savoir écouter avec empathie les victimes sans les juger, ni se substituer aux autorités judiciaires. Une centaine d’employés se sont inscrits à cette formation de trois heures.
La route est encore longue et semée de préjugés.

Photo : La Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants (FCÉÉ) a dédié un forum à la culture du consentement.