Pour sa dernière conférence virtuelle de la saison, l’Alliance française de Toronto a invité l’auteur et illustrateur Florent Manelli à partager ses pensées sur l’état et les enjeux de la communauté LGBTQ+ ainsi que son parcours personnel, par moment rocailleux, formé par le manque de modèles à suivre alors qu’il était adolescent.
À 14 ans, il découvre l’artiste américain Andy Warhol et c’est ce qui l’amène à s’intéresser aux arts visuels. Le besoin de dessiner ne se manifeste pourtant que beaucoup plus tard, lors d’un voyage à Montréal et de la rencontre d’une amie chanteuse et musicienne. Florent Manelli publie son premier livre, 40 LGBT+ qui ont changé le monde (tome 1) aux Éditions Lapin en juin 2019, suivi d’un deuxième tome en octobre 2020.
M. Manelli est en admiration devant les personnes dont il est question dans ses deux tomes. « Avoir un livre comme ça en main, quand j’étais jeune, m’aurait montré des vies queer possibles, des vécus réels. Il m’aurait aidé à me sentir moins seul. Maintenant, je me sens héritier de ses vécus et de leur mémoire », partage-t-il lors de la conférence animée par Arnaud Baudry, directeur général de FrancoQueer.
Le processus décisionnel et la construction du livre n’ont pas été simples. M. Manelli souhaitait inclure une large diversité sur les plans géographiques d’époque et de genre, y compris des gens qui ont milité avec différents outils. « De là, j’ai pu mettre l’accent sur différents pays aussi et leur réalité, pour ne pas juste rapporter une vision occidentale de la communauté », affirme-t-il.
En fait, 69 pays criminalisent encore les relations homosexuelles sans compter les tensions au sein des pays où l’homosexualité y est légale.
D’un point de vue législatif, il a encore beaucoup d’avancées à faire. « En France, certaines choses ne sont pas encore légales telles que la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes, l’interdiction des thérapies de conversion, l’arrêt des mutilations des enfants intersexués ou encore la décriminalisation du travail de sexe », explique-t-il.
Le Canada a un peu d’avance sur ces droits, par exemple l’interdiction des thérapies de conversion rajoutée au code criminel en 2020. « Il faut rester vigilant, car nos vies et nos identités sont toujours un sujet à débats et à questions », poursuit M. Manelli.
Un des pionniers mentionnés dans les écrits de M. Manelli est le médecin et sexologue allemand Magnus Hirschfeld, un des premiers militants des droits des homosexuels et le premier à faire une opération de réassignation sexuelle auprès d’une femme transgenre.
« Toute cette histoire et bien plus a été brûlée et effacée. Nous avons un devoir de mémoire envers les défricheurs et défricheuses », affirme M. Manelli. D’ailleurs, il s’indigne que la France, contrairement à l’Allemagne, aux États-Unis et au Canada n’ait pas de lieu d’archives LGBTQ+ où la collecte des histoires de vie et des renseignements sur ces communautés se fait alors que c’est un aspect primordial de la survie de ces communautés.
« J’ai parfois l’impression qu’on m’a confisqué ces histoires et ses vies intentionnellement afin d’effacer notre existence », avoue-t-il.
Mais l’auteur reste positif face à l’avancement. Avant, les apparitions culturelles des personnes gaies étaient soit caricaturées ou injurieuses, ce n’est plus autant le cas. Il cite en exemple l’évolution du retour de Gossip Girl qui sortira en juillet avec une distribution beaucoup plus diversifiée sur tous les angles.
Pour parfaire son éducation sur la communauté LGBTQ+, M. Manelli suggère le visionnement du film Milk, l’histoire d’un premier politicien ouvertement gai, et du documentaire The Death and Life of Marsha P. Johnson sur Netflix.