L’Alliance française de Toronto a accueilli le samedi 1er novembre le chanteur français Bertrand Belin, qui connaît un succès très impressionnant en Europe en ce moment. Poésie subtile, guitare et minimalisme.

Une belle silhouette, une belle voix grave, sexy en diable. Une gueule, une vraie. Des doigts souples sur une sublime guitare (une Gibson E347 si je ne m’abuse). Une batteuse aux airs de gavroche, ce qui est plutôt rare. Les batteurs sont souvent des hommes. Voilà, dans le monde de la chanson française dite « à texte », on croit avoir tout vu, tout entendu. Et on voit parfois des crooners légers, des poètes sympathiques, des types qui osent. 

Bertrand Belin est un type qui, entre ses chansons, papote, dit ce qui lui passe par la tête. C’est parfois dérangeant, de mauvais goût, comme lorsqu’il semble imiter un déficient mental (« c’est papa qui demande si on peut avoir des patates pour la maison » répété pendant cinq bonnes minutes avec une voix déformée). C’est parfois réussi, comme ce sketch absurde, en début de spectacle, qui rappelle Raymond Devos. Dans tous les cas, cela ressemble à une impro automatique et donc, à l’honnêteté. 

Bertrand Belin est Breton. Est-ce de ces origines celtes que viennent ces références à la mer, à l’océan? Quarante-quatre ans de vadrouilles musicales. Des rencontres, des souvenirs qui viennent nourrir des textes embrumés, répétitifs. 

Le cinquième album de Bertrand Belin en solo (il a également collaboré avec du beau monde, notamment Bénabar et Olivia Ruiz), a été salué comme l’un des meilleurs de l’année en langue française. Un album parfait pour écouter sur la route. Des paroles simples, répétitives. Parfois trop. Surtout dans la configuration de l’auditorium de l’Alliance française. On se verrait mieux dans une salle, debout, une de ces salles qui possèdent un bar. On se verrait mieux debout avec une bière, à taper du pied en rythme, plutôt qu’assis, immobiles. 

Les textes âpres, les notes répétées à foison ont peut-être lassé les moins patients. La salle se divisait entre les conquis, les curieux et les agacés. Une dizaine de spectateurs sont partis avant la fin du concert et la demande de rappel fut aussi timide que rapide. Reste que ceux qui se mirent debout pour l’applaudir en eurent pour leur argent. La plus belle chanson fut la dernière. Une chanson qui résonnait particulièrement à Toronto. Sans doute parce que chantée sur les terres de son auteur, Daniel Lanois, né à Hull. Une chanson dans un beau français tout cassé, qui fleure la Louisiane, la francophonie d’Amérique : « Ô Marie ». Sublime. Un moment en suspension.