Me François Boileau lançait parfois à la blague qu’il était le meilleur commissaire aux services en français que l’Ontario ait jamais eu… tout simplement parce qu’il n’y a jamais eu personne d’autre qui ait occupé cette fonction. Les événements des derniers mois ont démontré qu’il ne croyait pas si bien dire et, alors que son poste est sur le point d’être supprimé, Me Boileau a déposé son 12e et ultime rapport annuel le mardi 16 avril.
Intitulé à juste titre Épilogue d’une institution franco-ontarienne, ce rapport d’activités couvre la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2019. En avant-propos, François Boileau souligne que les changements apportés à la nature des fonctions de commissaire aux services en français, qui dorénavant se rapportera à l’ombudsman, a dans les faits mis un terme à cette fonction qui était jusque-là indépendante et constituait une force avant-gardiste au sein de la francophonie ontarienne.
C’est aux circonstances entourant cette abolition et aux conséquences qui s’en sont suivies que Me Boileau consacre les premières pages de son rapport, écorchant au passage les justifications budgétaires que le gouvernement a avancé pour expliquer cette mesure. Qui plus est, le commissaire était jusque-là un conseiller auprès de l’appareil gouvernemental, devait consulter activement les communautés de langue française et rédigeait des rapports spéciaux en plus des rapports annuels : toutes des responsabilités dont n’aura pas à s’acquitter l’ombudsman. La réception des plaintes au bureau de ce dernier est également plus compliquée.
Le rapport s’attarde aussi aux interventions du commissaire au cours de la dernière année. Y sont évoqués des cas concrets dans les domaines de la santé, des soins aux aînés, de la procédure légale et de l’éducation. En 2018-2019, le Commissariat a traité 435 plaintes et demandes de renseignements, dont plus de la moitié étaient recevables. Plusieurs dossiers majeurs sont en cours ou en suspens : modernisation de la Loi sur les services en français, révision du processus de désignation pour y inclure davantage d’organismes et de services publics, amélioration de l’offre active, protection des acquis en santé alors que le gouvernement s’apprête à réorganiser le système de soins en profondeur, promotion de l’immigration francophone, etc.
Les chantiers ne manquent donc pas et l’un de ceux-ci est l’éducation postsecondaire. Le rapport revient d’ailleurs sur la controverse entourant l’abandon de l’Université de l’Ontario français. Encore une fois, le commissaire critique la pertinence d’une telle décision. Le gouvernement prétendait que cette mesure permettrait des économies et que, de toute façon, le modèle proposé ne répondait pas aux besoins en main-d’oeuvre. Le rapport démonte point par point ces arguments et avance que la démographie et la répartition géographique des francophones en Ontario joue en faveur de la création de cette université à Toronto.
Plusieurs autres questions sont abordées dans ce rapport de 65 pages. Reste à voir si ce chant du cygne du Commissariat aux services en français trouvera écho auprès du gouvernement. Quant à François Boileau, ses fonctions prendront fin le 30 avril prochain.
PHOTO : Me François Boileau