Chrismène Dorme
Du 6 au 19 décembre, l’Alliance française de Toronto présentera Entre la mer et le ciel, une exposition consacrée au peintre québécois Jacques Descoteaux. Une trentaine d’œuvres sur toile et sur papier y seront réunies, offrant un voyage au cœur de paysages nordiques réinventés, où lumière, mémoire et poésie s’entremêlent.
Les tableaux de l’artiste, à la fois abstraits et introspectifs, explorent la limite mouvante entre ce que l’on observe et ce que l’on imagine. Ils prennent racine dans des lieux qui l’ont profondément marqué : la baie James, la Colombie-Britannique, l’Irlande, l’Écosse ou encore l’Islande. « J’ai toujours été fasciné par le Nord. J’ai travaillé six mois près de la baie James, c’est ce qui m’a d’abord attiré », confie-t-il. Depuis, cet univers ne l’a plus quitté : « Les tempêtes sur la côte ouest de l’île de Vancouver sont tout à fait impressionnantes. La lumière du Nord, généralement un peu plus diffuse, me fascine ».
Ces paysages nourrissent un univers pictural habité par de vastes horizons, des mers changeantes et des ciels constamment renouvelés. Le passage du réel à l’imaginaire est au cœur de sa pratique. Descoteaux explique avoir commencé par le pastel en plein air avant de passer à l’huile. « Quand j’ai commencé les tableaux à l’huile, c’était plus difficile de transporter les œuvres encore humides. Je ne voulais pas utiliser de photographies, alors j’ai commencé à peindre à partir de ma mémoire des endroits visités. Parfois, c’est juste l’imagination. »
Ce fonctionnement se lit dans la construction de ses toiles : des couches fines superposées, appliquées au pinceau ou au couteau, sans relief apparent. « Depuis que je travaille à l’huile, si on regarde bien mes tableaux, il n’y a pas de reliefs contrairement à d’autres méthodes », précise-t-il. Cette technique favorise des transparences délicates, laissant la lumière apparaître de manière subtile.
M. Descoteaux accorde également une place essentielle à la perception du public. Il aime que chacun puisse reconnaître — ou inventer — son propre paysage. « Ce que j’aime avec l’imagination, c’est que les spectateurs complètent l’histoire avec leur mémoire », explique-t-il. Il évoque une anecdote : « Une dame m’a dit «je sais exactement où vous avez peint cela ». Quelques minutes plus tard, un monsieur m’a donné un endroit complètement différent », raconte-t-il en souriant. Pour lui, cette pluralité de lectures est précieuse : « Si c’est trop réaliste, il n’y a plus de mystère ».
Installé à Toronto depuis plus de 25 ans, Jacques Descoteaux a étudié auprès de Wolf Kahn à la National Academy de New York et s’est formé dans plusieurs institutions torontoises, dont le Musée des beaux-arts de l’Ontario, la Toronto School of Art et l’Université OCAD. Artiste aux multiples pratiques, il s’intéresse aussi à la sculpture, aux techniques mixtes et à la vidéo. Ses œuvres se trouvent aujourd’hui dans des collections privées au Canada, aux États-Unis et en Europe. Parallèlement, il s’engage activement dans la vie communautaire et associative.
Il revient tout juste d’une résidence d’artistes en Irlande — la troisième en dix ans —, où il a entamé une nouvelle série à l’aquarelle. « À chaque résidence, j’explore une nouvelle facette de mon art. Cette fois-ci, j’ai décidé de revenir aux sources avec l’aquarelle ». Quelques-unes de ces œuvres seront présentées en juin prochain à la galerie Propeller. Il précise que cette approche se démarque : « La plupart travaillent l’aquarelle au pinceau. Utiliser le couteau donne des effets différents, auxquels on ne s’attend pas dans un paysage à l’aquarelle ».
Avec Entre la mer et le ciel, Jacques Descoteaux ouvre une fenêtre sur son rapport intime au Nord : ses lumières changeantes, ses horizons sans fin et l’imaginaire qui s’y attache. Une invitation à la contemplation, où chacun peut projeter ses propres résonances.
Photo : Jacques Descoteaux (Photo : courtoisie)





