Jean-François Gérard
Morgane Pons, Romain Avril, Nadège Nourian… Ces noms ne vous disent peut-être pas grand-chose. Pourtant, derrière leurs fourneaux, ces chefs ou pâtissières expatriés ont préparé à manger à des milliers de Torontois.
Depuis la mi-octobre, Tanguy Spots part à leur rencontre avec son podcast « Bol d’air », à raison d’un épisode environ par semaine. Tanguy Spots, responsable d’affaires dans une entreprise d’alimentation anti-gaspillage à Toronto, n’avait aucune expérience dans l’audiovisuel mais a lancé cette mini-production dans son temps libre, une sorte de prolongement de ses trois passions, « les voyages, la nourriture et les rencontres ».
Son déclic, ce sont ses échanges avec des chefs faits dans le cadre de son travail. « J’ai réalisé tous les efforts, les sacrifices et le travail pour pouvoir sortir un croissant chaud à 8 h du matin, raconte-t-il. Cela peut nécessiter trois jours, pour deux minutes en bouche. » Un quotidien pas assez connu du public. « Les chefs ont plein d’histoires à raconter », souligne-t-il.
Lui aussi expatrié, il est arrivé à Toronto en 2018, Tanguy Spots vise trois objectifs : « Mettre en avant autant les hommes que les femmes qui, en cuisine, n’ont généralement pas la même image que les hommes dans l’imaginaire collectif, et peut-être créer des vocations », donner le micro à ces expatriés « pour connaître leur parcours » et pour les consommateurs, « aider à comprendre la valeur du produit, voire inciter à consommer chez des artisans locaux ».
Au-delà des aspects culinaires, les échanges d’environ 45 minutes visent à faire ressortir le mode de vie des invités, ainsi que « les inspirations, les émotions, les souvenirs qui » parfois, se retrouvent dans l’assiette.
Les professionnels de la cuisine n’ont pas forcément l’habitude de se confier, mais Tanguy Spots dit avoir de bons retours lorsqu’il les aborde. « C’est un espace pour parler de leur passion, décrit-t-il. Les galères de visa, le premier boulot, le fait de s’installer ici, ce sont des histoires qui parlent à tous. »
De plus, il retrouve des points communs entre francophones comme « des sensibilités aux mêmes choses, un intérêt pour la gastronomie et le fait d’adapter ou pas ses recettes » à la situation canadienne.
Morgane Pons, de la boulangerie Blackbird, raconte par exemple qu’il est encore difficile de trouver du beurre de Tourage canadien, idéal pour la préparation des pâtes feuilletées et des viennoiseries, malgré une récente évolution chez les producteurs laitiers. « La demande a précédé l’offre », estime-t-elle à ce sujet.
Au-delà de la mise en ligne, Tanguy Spots a lancé une page Instagram pour diffuser quelques extraits et donner un aspect participatif avec des suggestions de questions ou d’invités. Après une première saison jusqu’en décembre, Tanguy Spots souhaite prolonger son podcast, avec d’autres chefs et cheffes expatriés, au-delà de Toronto.
Photo (capture d’écran) : Tanguy Spots en entrevue avec la boulangère Nadège Nourian