Inaugurée le 28 juin en présence de l’artiste-peintre autochtone originaire du Québec, la rétrospective Rita Letendre : le Feu et la Lumière a attiré plusieurs milliers de visiteurs au Musée des beaux-arts de Toronto.
Exposés jusqu’au 17 septembre, les 35 toiles provenant du musée ainsi que de collections publiques et privées reflètent l’évolution du processus créatif de Rita Letendre depuis ses débuts dans les années 1950 à Montréal, au sein des courants Automatistes et Plasticiens, jusqu’aux années 2000 à Toronto.
Cette collection inclut des pastels, des acryliques et des huiles remarquables par leur taille et la richesse de leurs couleurs, créés à partir de différentes techniques : le pinceau, le couteau et l’aérographe que l’élève de Paul-Émile Borduas adoptera dans les années 1970. « Le médium détermine le type de peinture qu’on réalise, selon elle. On ne peut pas faire à l’huile ce qu’on réussit à l’acrylique, ni réussir au pastel les effets d’optique propres à l’aérographe. Changer la technique change inévitablement l’image. »
Caractéristiques des œuvres de l’artiste à ses débuts, de nombreux travaux donnent à voir des formes rectilignes, saillantes, jouant sur les effets de perspective et de vitesse. Le chant du soleil (1969) et Étoile polaire (1970) en sont de parfaits exemples devant lesquels le public peut rester plusieurs minutes sans voir défiler le temps. Cette idée de rayonnement, et implicitement de lumière, née du jour comme de la nuit, est un véritable fil conducteur tout au long de l’exposition, se matérialisant par des faisceaux, des flèches, puis des flammes.
Crescendo (2000) illustre d’ailleurs ce changement d’approche : les lignes nettes font place à des formes diffuses. La lumière ne se manifeste plus par une juxtaposition de rayons tranchants mais par du feu ou une lueur. Une volonté de la peintre de s’affranchir des frontières de la toile en les dépassant. « Une rébellion devant la tristesse et l’angoisse », interprète-t-elle.
Mêlant les deux dimensions, Le rêve du rêve de la nuit d’été (1987) constitue à ce titre une synthèse, une transition entre la ligne et le flou. Deux perceptions servies par une même idée qui sous-tend l’ensemble de l’exposition : l’énergie, l’intensité et la puissance. La musique aussi, comme le suggèrent Symphonie fantastique (1997) et Eroica (2001), inspirés des symphonies du compositeur Beethoven. « J’ai besoin de musique pour faire abstraction du monde autour de moi », analyse Rita Letendre.
Cette rétrospective est la première de l’artiste née en 1928 à Drummondville et décorée en 2005 de l’Ordre du Canada. « Je voulais être un grand peintre, pas célèbre, juste un grand peintre. Ce n’est pas pareil. J’avais besoin de faire quelque chose de spécial, d’apporter ma contribution. Il me semble que j’avais quelque chose à exprimer, une immense colère que rien ne pouvait réprimer », évoque Rita Letendre, qui s’est imposée comme une des figures de l’art abstrait contemporain.