Jusqu’au 13 août, l’exposition Syrian Symphony : New compositions in sight and sound ouvre, au musée Aga Kahn de Toronto, un espace de réflexion sur la situation en Syrie à travers les œuvres musicales et picturales d’artistes du Proche-Orient.

À l’origine du projet, le clarinettiste international Kinan Azmeh a composé une symphonie originale sur laquelle son complice de toujours, l’artiste Kevork Mourad, a peint une fresque à même le mur : un agglutinement de corps en mouvement, une foule sans visage, fuyant dans la même direction. Happé par une musique immersive, le public, sens en éveil, plonge dans un univers à part, comme une parenthèse essentielle.

« Lorsque je suis venu à Toronto, début mai, j’ai joué et enregistré des fragments de musique dans cet espace encore vide du musée avec, dans un coin de ma tête, ce que Kevork Mourad pourrait créer en réponse », révèle Kinan Azmeh. Enrichir l’installation d’autres contributions syriennes s’est alors imposé comme une évidence. Avec l’appui du musée, trois autres séquences ont vu le jour, concrétisant sept mois de réflexion et formant une œuvre collective qui colle à l’état d’esprit du musicien.

« Toute chose, toute réalisation est collective et multidimensionnelle, assène Kinan Azmeh. Ma musique ne fait pas exception, elle suit un axe vertical et un axe horizontal, elle traduit le passé, le présent et le futur. La Syrie n’est pas isolée du monde mais interagit avec lui. La musique syrienne est la continuation naturelle de toutes les musiques du monde et de sa propre histoire. La musique n’est ni de l’ouest ni de l’est. Elle est partout et se nourrit de l’expérience humaine. »

Aux yeux de l’artiste, toute action part d’une idée qu’on exprime. Certains l’expriment par la guerre, d’autres par la musique. Si Kinan Azmeh a fait son choix, il n’a pas la prétention de résumer le chaos de son pays à une symphonie mélancolique : « L’art exprime une émotion plus complexe que l’expérience de la vie. Il est impossible de décrire la tragédie syrienne, ni de réduire des milliers d’années et d’histoire à une partition». D’un tempérament optimiste, il conçoit cette œuvre comme une fenêtre ouverte sur l’avenir.

Né à Damas et vivant à New York, le clarinettiste n’est pas retourné en Syrie depuis plusieurs années. Constamment en tournée dix mois de l’année, il continue de jouer et composer, de Paris à Berlin, d’Amsterdam à Beyrouth, partout où les gens écoutent « avec les oreilles et le cœur », dit-il, sans perdre espoir de se produire un jour là-bas.
« La musique est un acte de courage. En Syrie, les artistes comme les gens qui descendent dans les rues depuis six ans font acte de courage en contribuant à attirer l’attention sur leur quotidien. L’art syrien est bien vivant. Il est, comme dans tous les pays, une nécessité humaine. Ma clarinette ne va pas arrêter une guerre, mais apporte un espoir. »

Photo (crédit Connie Tsang) : Le clarinettiste Kinan Azmeh.