Le 22 novembre dernier, le cardinal Thomas Collins, archevêque de Toronto, donnait une conférence au Collège universitaire Glendon. En cette époque de bouleversements sociologiques et de militantisme exacerbé, Mgr Collins a abordé un sujet brûlant d’actualité : les frictions entre les revendications laïcistes et la dimension religieuse de la vie en société.
Difficile de résumer ce débat dont les ramifications sont nombreuses. Elles vont des questions plutôt terre-à-terre liées à la neutralité du gouvernement aux revendications toujours plus nombreuses dont l’aboutissement sera de redéfinir les fondements les plus élémentaires de la culture occidentale. La causerie de Mgr Collins s’est donc circonscrite à définir les concepts en cause, à en expliquer les origines et à plaidoyer pour une meilleure compréhension de la foi et pour ce qui pourrait être décrit comme sa légitimité intellectuelle.
Le cœur du problème est en effet là : l’omniprésence grandissante d’une hostilité à la foi, perçue comme étant basée sur un refus de la raison et par conséquent dépourvue de raison d’être sur la place publique et dans les débats de société. Envisager que la religion puisse contribuer à l’avancement de l’humanité semble être inconcevable à certains dont la suspicion s’étend jusqu’aux croyants, dont les prises de position sont suspectes d’être entachées d’irrationalité.
Se plaçant à la suite de Jean-Paul II et Benoît XVI dans son approche du problème, Mgr Collins a rappelé qu’il n’y a pas de problème en soi avec la laïcité. Là où le bât blesse, c’est lorsque cette laïcité devient laïcisme, c’est-à-dire une idéologie prétendant englober tout le vécu humain. Ce phénomène peut être vu comme une extension politique du matérialisme, conception philosophique faisant du matériel mesurable la seule réalité. C’est pourquoi il est important de distinguer la foi du fidéisme, une dérive sentimentale tendant à occulter délibérément la raison au profit de la révélation dans la définition de la vérité. L’Église catholique romaine a au contraire toujours fait coexister la foi et la raison et la dialectique qui les entraîne est en filigrane de sa théologie.
Selon Mgr Collins, le scientisme qui relègue la religion aux oubliettes de l’histoire est une autre de ces conceptions réductrices qui, au cours des âges, ont suscité une adhésion fiévreuse avant de démontrer leurs limites. Évoquant les ecclésiastiques qui, de Copernic à Georges Lemaître, ont fait avancer les connaissances scientifiques, le cardinal ontarien a fait comprendre que leur foi n’avait jamais entravé leur méthodologie et leurs expériences. L’interprétation de la bible, a-t-il rappelé, fait aussi appel à la raison et les gens, règle générale, n’acquièrent ou ne conservent pas la foi sous le coup d’une impulsion sans fondement mais suite à un processus de réflexion.
D’un point de vue strictement utilitariste, les laïcistes devraient réaliser l’impact positif des croyants sur la société. Mgr Collins a expliqué que de se placer dans une perspective d’éternité incline ceux qui sont plus spirituels à être moins économes de leur temps et de leurs ressources au profit des autres. L’homme d’Église a évoqué le souvenir de certaines personnalités qui se sont dévouées pour leur prochain, à commencer par Mgr Michael Power, le premier évêque de Toronto, mort à 42 ans du typhus qu’il avait contracté en aidant les immigrants irlandais qui fuyaient la famine.
Face à ceux qui veulent faire taire les catholiques, Mgr Thomas Collins a rappelé le droit de ceux-ci à s’exprimer et à prendre la parole. Ils devraient cependant le faire au nom du bien commun et, pour les questions de société, en utilisant des arguments valables pour toutes les écoles de pensée. Citant la doctrine sociale de l’Église en exemple, Mgr Collins a conclu sa conférence en avançant que les catholiques ont toujours porté attention aux problèmes de chaque époque et qu’ils n’avaient jamais hésité à être engagés dans la société.
PHOTO : L’assistance s’est montrée attentive aux propos de l’homme d’Église.