Chaque fois que l’on déverse un gallon de vernis le long d’un pan de mur, on obtient un résultat différent. Doit-on alors illustrer ce geste à travers une seule ou bien toutes les tentatives? Un panier et un bracelet venus du fond de l’Amazonie sont bien plus que des objets du patrimoine indigène, ils transmettent également les voix des membres des communautés Caiçaras et Guarani qui les ont créés. Une série d’articles publiés au temps de l’Apartheid nous donne une vision certes subjective mais néanmoins représentative de la société sud-africaine de l’époque.

L’exposition « Something More Than a Succession of Notes » (Quelque chose de plus qu’une succession de notes), présentée jusqu’au 20 décembre à la galerie Justina M. Barnicke située sur le campus de l’Université de Toronto, aborde les éléments immatériels de la culture tels que la tradition orale, le rite, la danse ou même l’activisme. Cet événement entre dans le cadre du festival Paris-Toronto, une série d’expositions, de conférences et de rencontres artistiques organisées cette année par le Consulat général de France à Toronto.

Mélanie Bouteloup, commissaire de l’exposition et directrice du centre d’art Bétonsalon à Paris, était présente lors de l’ouverture. Elle expliquait que l’idée lui vint à la suite de la décision par l’UNESCO de reconnaître formellement le patrimoine immatériel. Le concept de l’art immatériel va souvent à l’encontre de l’image du patrimoine que se font certains grands musées et galeries d’art traditionnelles. Suivant une démarche occidentale rigide et essentiellement « eurocentrique », certains sont parfois désemparés quand il s’agit de présenter des formes d’art comme le mouvement ou le chant. D’autres hésitent à présenter des choses sachant qu’il est parfaitement impossible de faire preuve d’une totale impartialité.

Parmi la dizaine d’artistes qui participent à l’exposition, Ian Carr-Harris était aussi présent ce jour-là. Fasciné depuis toujours par les langues et plus particulièrement par la traduction de l’une à l’autre, il a voulu souligner les nuances subtiles qui ressortent quand on juxtapose la version anglaise et la version française d’un même texte. « poissons fishes » montrent deux livres encyclopédiques, l’un en anglais et l’autre en français, ouverts à la page des poissons du nord de l’Atlantique. Il explique en passant que les Canadiens sont régulièrement confrontés à cette situation chaque fois qu’ils regardent une boîte de Corn Flakes au petit-déjeuner. Deux des poissons sont illuminés et se démarquent des autres comme le font certains mots quand on lit. Les mots « poissons » et « fishes » sont enfin repris en style calligraphique au-dessus des deux livres, une façon pour Ian Carr-Harris de ressentir pleinement le sens des deux mots.

« Something More Than a Succession of Notes » permet en quelque sorte d’intégrer des voix qui n’ont pas été jusqu’à présent entendues mais qui n’en sont pas moins importantes.

Photo : Mélanie Bouteloup, commissaire de l’exposition