Certains chapitres de l’histoire empruntent parfois des sentiers inattendus, ignorés des livres scolaires, oubliés du public. Des chapitres que seul le hasard d’une rencontre peut refaire surgir. C’est ce qui est arrivé à l’auteure de romans Barbara Dickson.

Lorsque la Torontoise a appris l’existence d’une gigantesque usine de munitions à Scarborough dans les années 1940, elle a entrepris de minutieuses recherches et, grâce au bouche-à-oreille, multiplié la collecte de témoignages cruciaux, levant le voile sur une incroyable page de l’histoire de la région. Durant la Deuxième Guerre mondiale, près de 21 000 femmes ont travaillé au sein de la General Engineering Company pour alimenter l’effort de guerre.

« On ne pouvait pas passer à côté de cette surprenante histoire », lance Danièle Caloz. Membre de la Société d’histoire de Toronto, elle a aussitôt inclus la visite guidée du site dans le programme qui entraîne, chaque été, le public à la découverte du patrimoine local.

Au départ du château d’eau de Scarborough, lampe torche et plan en main, une trentaine de curieux ont ainsi remonté le temps, le dimanche 13 août, parcourant une petite partie seulement du périmètre de l’ancienne usine qui couvrait plus de 170 hectares, entre l’avenue Warden et la route Sinnott au sud de l’avenue Eglinton.

« Avec les bombardements allemands en Angleterre en 1940-1941, il a fallu fabriquer du matériel dans des lieux plus sûrs et en quantité plus importante, raconte Barbara Dickson. Des manufactures se sont ouvertes un peu partout au Canada et particulièrement en Ontario : des écoles de pilotage, des usines pour fabriquer des uniformes, des parachutes, des turbines, des pièces d’artillerie, etc. dans un pays qui jusqu’ici ne possédait qu’une seule usine, implantée au Québec. »

À Scarborough, on fait appel aux frères Hamilton pour édifier en 1941 les 172 bâtiments. Des constructions en bois, le métal étant réservé aux productions d’armement. Commencé en février, le complexe sera achevé en septembre de la même année et emploiera des milliers de travailleuses. Une main-d’œuvre abondante qui va contribuer à l’essor économique de la région.

« On fabriquait des détonateurs pour les obus, les torpilles, les missiles que l’on transportait ensuite en vers l’Europe, ajoute Mme Dickson, allant de bâtiment en bâtiment. Scarborough était idéalement situé proche d’une grande ville, mais assez éloigné pour ne pas mettre en danger la population. Au sortir de la Grande dépression, tous ces emplois risqués, mais très bien rémunérés étaient une aubaine. »

Pénétrant dans la boutique d’un garage de réparation automobile anodin, les visiteurs se faufilent entre les piles de pneus et les cartons de pièces métalliques, empruntant un escalier étroit et sombre. La cave se révèle être une section restée intacte de l’immense système de tunnels abandonné qui reliait les bâtisses entre elles. Ce réseau sous-terrain ultra-secret s’étendait sur près de quatre kilomètres de galeries.

C’est ici que les « Bombs Girls » ont manipulé des explosifs au risque de leur vie, 24 heures sur 24 et durant 4 ans, remplissant plus de 256 millions de munitions. Reconvertis en logements d’urgence dans l’Après-Guerre, ces bâtiments jamais détruits sont encore visibles aujourd’hui et constituent une pièce essentielle du casse-tête historique de la Seconde Guerre mondiale que Mme Dickson raconte dans un livre.

Photo : les participants à l’Historitour écoutent Mme Dickson devant un bâtiment original.