Jean-François Gérard
Malgré le grand froid et la neige, le samedi 4 février, une soixantaine de personnes se sont rendues au Collège Boréal pour participer au premier forum de Point Ancrage Jeunesse (PAJ) sur le racisme systémique en éducation. L’association fondée en 2019 pour Afro-descendants franco-ontariens a identifié ce secteur comme la racine de beaucoup de problèmes, mais aussi de solutions.
Ce forum fait suite à une série de rencontres entre adolescents et enfants depuis la rentrée. Jonathan, 11 ans, raconte avoir « un petit peu » été confronté au racisme à son niveau depuis qu’il a déménagé de Toronto vers Kincardine où il est « le seul Noir de l’école » : « des personnes me regardent bizarrement ou s’écartent dans la rue ». Son amie d’enfance Arielle Gabrielle, elle, ne le ressent pas dans son école à Toronto où « on est tous mélangés », mais a aussi été désarçonnée en rendant visite à Jonathan : « Un Monsieur est passé en voiture et criait sur nous sans raison ».
Autre aspect du forum, l’ébauche de solutions pédagogiques. Alice Fomen, conceptrice pédagogique, raconte : « Suite à six groupes de discussion, nous avons élaboré 10 modules d’apprentissage, avec des tests de connaissance, qui peuvent être utilisés par des enseignants, des clubs ou dans le milieu communautaire, y compris par les familles ».
Le matin, différents panélistes sont venus témoigner auprès des parents et adolescents présents, ou à des représentants de l’Association des enseignants franco-ontariens venus chercher quelques bonnes pratiques pour les diffuser à ses membres.
Parmi les invités, Yves Gérard Méhou-Loko, ancien animateur de l’émission matinale de Radio-Canada en Alberta, en Saskatchewan ainsi qu’à Toronto et aujourd’hui commissaire en équité et droits de la personne, faisait office de « dignitaire ». Dans son discours éloquent, amorcé par le traumatisme d’une baffe reçue à l’âge six ans en France, il a pointé les risques « d’une colère que personne ne pourra maîtriser » en cas d’inaction ou des divisions internes entre Afro-descendants.
Il a enjoint les participants de rappeler à leurs représentants « qu’ils étaient absents », mais aussi de s’engager politiquement : « Il y aura bientôt des élections dans les conseils scolaires, il faudra se présenter. C’est à vous d’être présents dans votre conseil scolaire, sinon il ne changera pas. »
La présidente de l’organisme, Edwige Ngom, est satisfaite de cette première. « Nous avons pu mener ce travail, car nous avons vite obtenu un soutien du comité aviseur du gouvernement de l’Ontario. Peut-être parce qu’au niveau provincial, il n’y avait pas d’équivalent francophone. J’aurais aimé avoir ce type de structure quand mon fils était adolescent », pointe cette résidente de Toronto depuis 15 ans.
Pour de prochains forums, la structure aimerait aborder les cas du système judiciaire, de santé ou de l’immigration.
Photo : Yves Gérard Méhou-Loko s’adresse aux participants