25 septembre 1975. Sur l’esplanade de l’université Laurentienne, le professeur d’histoire Gaétan Gervais et l’étudiant en sciences politiques Michel Dupuis hissent un drapeau vert et blanc aux couleurs de l’été et de l’hiver, arborant la fleur de lys et la fleur de trille blanc. L’étendard qui flotte pour la première fois dans le ciel de Sudbury est celui d’un peuple : les Canadiens français, dont la présence sur le territoire ontarien remonte à plus de 400 ans.

Adopté à l’unanimité par l’Assemblée législative, 35 ans plus tard, en 2010, comme la Journée officielle des Franco-Ontariens, le 25 septembre est devenu un de ces symboles qu’affectionne tant la communauté, au même titre que le personnage d’Étienne Brûlé, premier explorateur européen de l’Ontario, ou la chanson Notre Place, hymne officiel de la communauté.

Ainsi, ce lundi, des cours d’école jusqu’aux bancs de l’Assemblée législative, petits et grands commémoreront la contribution historique, culturelle et politique des francophones dans la province et leur abnégation dans la conquête inlassable de leurs droits.

Devant les hôtels de ville de Toronto, London, Kitchener, Welland, Hamilton, St. Catharines, etc. des levers de drapeau marqueront cette journée. À Queen’s Park, la cérémonie débutera à 9 h 30 en présence de la première ministre Kathleen Wynne et de la ministre des Affaires francophones Marie-France Lalonde, pour qui « cet événement majeur permet de nous souvenir du passé, de célébrer le présent et de bâtir l’avenir, autour d’un symbole tangible. Il rappelle à tous l’importance notre histoire et notre culture. Il souligne la participation et l’engagement de plusieurs générations de francophones ».

Ce drapeau est surtout l’aboutissement d’une « incroyable évolution », rappelle la cofondatrice de la Société d’histoire de Toronto, Danièle Caloz. Il a été reconnu officiellement au terme d’un âpre rapport de force politique dans le contexte social tendu de l’assimilation. À une époque où le Québec se démarquait du reste du Canada, les francophones hors Québec se sont demandés qui ils étaient. La naissance du drapeau tire son essence de ce sursaut identitaire. »

« Les Franco-Ontariens n’ont pas toujours été d’accord sur le choix de la date et la forme (culturelle ou politique) que devaient prendre les cérémonies, précise l’historienne, mais tout le monde s’accorde à dire que c’est une célébration de tous les acquis depuis l’abrogation, en 1927, du Règlement XVII interdisant l’enseignement du français à l’école. »

Cantonnée à l’éducation, cette lutte s’est propagée aux domaines de la santé, de la justice et de l’immigration. Adoptée en 1986, la Loi sur les services en français fait partie de ces acquis dont les 612 000 Franco-Ontariens sont fiers. Toujours d’actualité, ces combats socio-politiques débouchent sur des avancées significatives comme la création récente d’un ministère des Affaires francophones autonome – dont beaucoup espèrent qu’il s’attèle à une réforme courageuse de la Loi 8 sur les Services en Français – ou le projet de loi sur la création de l’université francophone sur le point d’être présenté à l’Assemblée législative.

À ces deux réalisations gouvernementales, Marie-France Lalonde en ajoute une troisième : l’accès à un fonds communautaire de 1 million $ renouvelable sur trois ans réservé aux Franco-Ontariens. « Les applications devraient être possibles d’ici la fin du mois, espère la ministre. Ces financements seront destinés aux organismes francophones qui en ont le plus besoin et les aidera dans leurs missions quotidiennes. »

Du XVIIe siècle à nos jours, l’Ontario est façonné par la langue, l’ouverture et la résilience d’une communauté en perpétuel mouvement. « L’immigration européenne et africaine de ces dernières années a considérablement changé le visage de notre francophonie, analyse Danièle Caloz, alimentant des écoles de la diversité et une économie dynamique. »

Un modèle d’intégration qui ouvre des perspectives d’avenir prometteuses et vaut bien que l’on célèbre, le temps d’une journée, un drapeau, une histoire, une fierté.

 

Photo : le drapeau vert et blanc flottera dans le ciel ontarien le 25 septembre.