« 10 secondes… 5, 4, 3, 2, 1. » Une sonnerie retentit. La quinzaine de bateaux à voile multicolores franchissent la ligne de départ et s’élancent vers la première bouée. Pour y parvenir, ils devront tirer des bords pour naviguer au vent. Après un dernier virement, ils pourront ensuite revenir directement à leur point de départ par vent arrière. Chaque skipper essaie d’établir le meilleur plan de navigation possible, celui qui permettra de traverser la ligne d’arrivée en vainqueur. Chacun est sur le pied d’alerte afin d’éviter toute collision avec un autre bateau. On se croirait vraiment à une manche de la Coupe de l’America, sauf que les skippers en question sont en fait toujours restés à quai. Depuis le bord de l’étang, ils font marcher leur bateau en modèle réduit à l’aide d’une télécommande munie de deux manettes, une pour les voiles et l’autre pour le gouvernail.
Il y a une trentaine d’années que la Ville de Toronto construisit ce petit plan d’eau dans le parc de la rivière Humber. Il fut spécialement aménagé pour les régates de bateaux en modèles réduits. Chaque mardi, jeudi et dimanche, une quinzaine de passionnés s’y rencontrent pour savoir lequel de tous ces petits bateaux à voile est le plus rapide. Une pompe crée en permanence un petit courant et empêche la propagation des algues au fond. Les algues peuvent s’accrocher à la quille des voiliers et les ralentir considérablement. De temps à autre, les employés de la ville taillent les petits buissons afin que la brise, qui vient du lac Ontario tout proche, offre un vent constant à la surface de l’étang.
« Je faisais autrefois de la voile sur de vrais grands bateaux, confie David Allsebrook. Mais je suis passé aux modèles réduits il y une vingtaine d’années parce que c’est bien moins cher. On peut naviguer tous les jours et il n’y a pas besoin de trouver des équipiers. » Cet avocat francophile m’explique dans un français parfait qu’il est à la fois le capitaine des bateaux de classe Soling ainsi que le directeur de course du jour.
Le modèle réduit de classe Soling est le bateau idéal pour un débutant. Long de seulement un mètre, il possède un foc, une grande voile, un gouvernail et une radiocommande. On peut l’acheter en kit pour la modeste somme de 500 $. David Allsebrook fait remarquer que la technologie a beaucoup évolué ces dernières années. Les piles durent bien plus longtemps et la radiocommande fonctionne maintenant sans interférence avec les autres. Grâce à ses grandes voiles et sa petite coque, le Soling avance et accélère très vite, même par petit temps.
Ce passe-temps peut se pratiquer en dilettante ou bien prendre une forme plus compétitive. Des championnats canadiens se tiennent même chaque année.
Bob Allan tente coûte que coûte de faire avancer son bateau plus vite que celui de David. Chacun tire des bords jusqu’au moment où… les deux bateaux entrent en collision! En toute bonhommie, les deux capitaines discutent en souriant pour savoir qui avait la priorité. Ici pas question d’être stressé, on reste entre amis.
Amoureux des voiliers en modèles réduits depuis une dizaine d’années, Bob Allan se livre à sa passion toute l’année. Il navigue de la fin avril à la fin de l’automne, puis construit et répare ses bateaux durant les mois d’hiver. Le club a bien pensé organiser des régates en piscine durant l’hiver, mais les coûts encourus pour la location de la piscine et les services d’un sauveteur furent jugés trop élevés.
Bob Allan et David Allsebrook finissent cependant par avouer que l’esprit compétitif y est quand même pour beaucoup dans leur passion. David fut même champion du Canada dans la classe Soling en 2003. Preuve qu’on peut s’amuser en restant tout ce qu’il y a de plus sérieux!
Pour en savoir plus sur le club des voiliers en modèles réduits, consultez la section « voile » du club Metromarine (http://www.metromarine.org/divisions/sail-division/)
Photo : Bob Allan et son bateau de classe Soling