L’Alliance française de Toronto présente une exposition du photographe Brian Damude intitulée Le chemin des fantômes. Une exposition qui transporte le visiteur au cœur des Andes, dans une atmosphère étrange et mystérieuse.  

On dit que sur les pistes poussiéreuses et ensablées du Pérou et du Chili, dans les hauteurs glacées de la cordillère des Andes, des petits esprits malfaisants, des fantômes, attaquent les voyageurs isolés. Colo-colo, chochones ou candellias. Ils sont craints et respectés des Andins qui, en hommage à leurs morts, dressent sur les lieux d’accidents des mémoriaux, de petites chapelles syncrétiques que mêlent les cultures chrétiennes et amérindiennes. Des petites stèles émouvantes parce qu’entretenues et fleuries par des proches qui roulent parfois des heures pour cela. « Je me souviens d’avoir vu sur une de ces croix des lunettes ray-ban récentes, parmi d’autres objets personnels. Ce détail m’a particulièrement ému », raconte Brian Damude.

Lui, il a arpenté les pistes andines. Il a avalé la poussière de ces routes. « Des routes qui ne présentent pas de danger particulier. Je me suis demandé pourquoi tous ces morts. J’en ai parlé à des amis péruviens qui ont mentionné les légendes », dit-il. Mais sont-elles vraiment des légendes? « Dur à dire, n’est-ce pas? Bien sûr qu’on n’y croit pas, mais comment expliquer ces phénomènes autrement? », poursuit-il.

En ce qui concerne l’exposition en elle-même, les photographies sont d’une facture exceptionnelle. Le chemin de croix se déroule sous nos yeux. Un chemin parsemé de ces mémoriaux, sur cette route sublime, mais à l’étouffante atmosphère. Une atmosphère que la mort représentée ne rend que plus mystérieuse et troublante. Alors que dans nos sociétés, on cache la mort; en Amérique latine, on la montre. Elle fait partie intégrante du quotidien.

Le chemin de croix se déroule, photographie après photographie. Un calvaire, dans le sens le plus biblique du terme, qui amène à la fois l’artiste et le spectateur vers un paradis merveilleux : le lac salé d’Uyuli en Bolivie.

Les photos qu’en a ramenées le Torontois Brian Damude semblent irréelles. « Et je n’ai pas utilisé Photoshop », précise le photographe. Le lac salé semble pourtant un paradis ambivalent. Moins tangible que le chemin de croix et donc, d’une certaine manière, inquiétant. L’irréalité des photographies du lac contraste avec la présence très physique des photographies de la route. Des photographies qui font sentir le hors-champ physique, contextuel, mystique et symbolique. On devine la poussière, la chaleur du soleil, l’ambiance de mystère et la mort, omniprésente. Tandis que les photographies du lac ne nous laissent voir que de l’irréel.

Photo : Brian Damude