Chaque année, Toronto utilise jusqu’à 130 000 tonnes de sel de voirie pour garder les routes dégagées (et ça ne compte pas les trottoirs). Ce chiffre fait partie des 5 millions de tonnes de déglaçage qui sont utilisées sur les routes en hiver à travers le Canada.

Après la fonte des neiges, le sel, lui, ne disparaît pas naturellement, mais se retrouve dissous en molécules de chlorure et de sodium qui s’écoulent dans les écosystèmes terrestres et aquatiques avoisinants. Il est facile de comprendre les effets nocifs du sel en regardant la corrosion des bottes l’hiver, des automobiles et même avec la douleur causée aux pattes des chiens.

Elizabeth Hendriks, vice-présidente du programme Eau douce au Fonds mondial pour la nature, affirme qu’au printemps certains marécages et ruisseaux contiennent un pourcentage de sel similaire à celui des océans, comme de petites mers saisonnières.

Pour les créatures qui y habitent, c’est une condamnation à mort, comme si, tout à coup, l’air de la planète changeait de pourcentage d’oxygène. Étonnamment, certaines espèces d’eau salée, tel le crabe bleu, y survivent sans problème.

La hausse de la quantité de sel affecte le sol où certaines espèces tolérantes envahissent celles indigènes qui meurent tranquillement « brûlées » par le sel. Les branches sèches et un feuillage roussi sont deux indices de cette pollution. L’ingestion du sel peut aussi être toxique pour la faune, surtout pour les oiseaux migratoires pour qui le sel est poison. Puisqu’il n’y a aucun processus qui extrait le sel de la terre, un écosystème peut rester salé pendant près de 40 ans.

Alors pourquoi en utilisons-nous tant? Simplement parce que c’est vraiment la méthode la plus efficace et la moins coûteuse. Moins coûteuse peut-être si les calculs n’incluent pas les coûts de rectification d’environnements détruits qui fournissent l’eau potable de la ville et des terrains aptes à l’agriculture.

C’est d’ailleurs le cas de la ville de Flint au Michigan qui, en 2015, a souffert énormément de la contamination au plomb de son réseau d’eau potable. La contamination s’est faite suite à la corrosion des canalisations municipales qui étaient en plomb. Le coupable de la corrosion? Le chlorure issu des écoulements du sel de voirie. Depuis quelques années, Flint met en place certaines mesures, mais les experts ne sont pas satisfaits du maigre effort. La sécurité des routes est une priorité sans pour autant devoir se faire au détriment de l’habitat.

Pour contrer l’écoulement, Toronto possède des « dômes » qui permettent de contrôler l’entreposage du sel afin que celui ne fonde pas. Pour l’instant, plusieurs municipalités utilisent de la saumure, un mélange de sel et d’eau pour diminuer l’empilage de sel. L’utilisation se passe aussi en prétraitement, ce qui réduit le montant requis une fois la neige arrivée.

Mais les municipalités ne sont pas les seules responsables de la dégradation des écosystèmes. Plus de 50 % de la pollution salière vient de l’utilisation insouciante des propriétés privées. Les aires de stationnement dans les centres commerciaux, par exemple, sont particulièrement nocives et, bien sûr, l’utilisation de sel dans les cours des maisons augmente la contamination.

Pour les maisonnées, Mme Hendricks précise que le contenu d’une simple bouteille à médicaments remplie de sel suffit pour faire fondre la glace sur son bout de trottoir. Bien que le bruit du sel qui craque sous les pas s’avère rassurant, c’est avant tout un indice que trop de sel a été dispersé ou qu’il a été appliqué à la mauvaise température. En effet, le sel commence à perdre en efficacité vers – 10 °C et devient inutile à – 20 °C.

Toronto demande à ses résidents de pelleter d’abord, ce qui réduira la quantité de sel requise. Puis, il est suggéré d’en utiliser seulement sur la glace et loin des plantes. Finalement, à l’entreposage, il faut isoler le sel du sol et le couvrir pour qu’en aucun cas il ne puisse se dissoudre et s’écouler inutilement.

SOURCE – Élodie Dorsel

PHOTO – Dôme de sel à Toronto