Richard Caumartin
Depuis quelques semaines, l’exposition multidisciplinaire « mémoire » du Labo sur le thème de la jachère présente les œuvres d’Andreas Krätschmer (tourneur sur bois et sculpteur), Tania Love (artiste visuelle) et Paul Ruban (écrivain et poète). Le jeudi 13 juin, le public était invité au vernissage et à une causerie avec ces artistes de l’Ontario.
« L’idée de jachère évoque le renouveau, le cycle de vie et de mort, la fertilité et le rétablissement de terres agricoles. Si on le transpose dans un contexte urbain, un lieu stérile dans lequel – contre toute attente, parfois – s’enracine la vie. Celle d’un érable, par exemple, planté pour décorer une cour urbaine, bien loin de son habitat naturel », explique Dyana Ouvrard, directrice du Centre d’arts médiatiques francophone à Toronto.
Assez originale, cette exposition est inspirée par « un érable de Norvège qui, malade et mourant, a dû être abattu dans le jardin d’Andreas Krätschmer à Picton. Sous trois prismes différents, les artistes ont exploré le cycle de vie de l’arbre en relation avec l’habitat artificiel dans lequel il a grandi ».
« Le travail de cette exposition a commencé il y a 18 mois environ dans le jardin d’Andreas Krätschmer qui a eu une idée lorsqu’il a dû abattre un érable de Norvège. Nous avons donc réfléchi sur la vie de cet arbre, ce qu’il a vécu. Cet arbre a été transplanté ici au Canada et nous avons réfléchi à ce que cela représentait. Nous avions de la compassion pour cette vie qui n’était plus. Nous avons donc travaillé avec les matériaux de l’arbre abattu », raconte Tania Love.
Andreas Krätschmer a alors produit des sculptures tournées avec le bois de l’arbre. Mme Love a pour sa part fait de l’encre à partir des copeaux, de l’écorce et des feuilles de cet érable puis elle a fait des dessins représentant les cycles de la vie.
« Nous avons aussi fait du charbon de bois avec les petites branches et brindilles. J’ai alors produit un portrait de cet arbre. Il y a aussi des poèmes de Paul Ruban qui racontent un peu la vie imaginée et intérieure de l’arbre, qui décrit un peu ce qu’il a vécu », ajoute Tania Love.
Les dessins au charbon de cette artiste ont été conçus sur du papier japonais. Dans l’exposition, il y avait aussi une série de bols en bois du même arbre, de la plus petite taille à la plus grande, qui représente les cycles de la vie de cet érable.
Au milieu de la salle d’exposition, un tronc sculpté par Andreas Krätschmer représente le cœur de l’arbre mort. Le visiteur y voit clairement les débuts de branches coupées afin de ressembler à des artères et des valves pulmonaires. C’est remarquable comme idée.
Il y a plusieurs autres surprises sorties de l’imaginaire de ces trois artistes à voir au Labo. L’exposition mémoire se poursuit jusqu’au 26 juin au 401, rue Richmond Ouest, à Toronto.
Photo : De gauche à droite : Paul Ruban, Tania Love et Andreas Krätschmer devant une photo de l’érable de Norvège