Lorsque l’on patiente avant le début de la pièce Rhinocéros de la troupe Les Indisciplinés de Toronto, on n’est pas là à regarder le plafond ou à se tourner les pouces. On demande à tous les spectateurs de bien vouloir entrer un numéro dans notre téléphone intelligent, puis de lui envoyer par texto le numéro de notre siège. Si on a un appareil Android, l’effort va plus loin : on demande de télécharger une sonnerie et de la régler sur notre cellulaire. 

Puis, lorsque l’on est bien installés à nos sièges indiqués, on nous demande de NE PAS éteindre notre téléphone et, plus encore, d’en mettre le volume au maximum. Il faut s’attendre à recevoir pas moins de 50 messages et appels durant la représentation. «  Je vous demanderais de réfléchir à pourquoi on vous demande de garder vos cellulaires ouverts », suggère Pierre Gregory, le metteur en scène, avant de nous laisser profiter du spectacle. Rhinocéros est un texte datant de 1959 de l’auteur Eugène Ionesco dont l’histoire est celle d’un antihéros qui résiste à se conformer malgré les pressions sociales. 

La pièce est interprétée par pas moins de 16 comédiens, ce qui représente un travail énorme « qui n’aurait pas été possible sans le dévouement de  chacun », assure M. Gregory. Pourquoi Ionesco? « C’est un texte qui vieillit bien, assure-t-il. C’est encore d’actualité et ça nous a permis de le transposer vers le média. » Rhinocéros, dont les répétitions ont commencé en juillet, est une grande production pour la troupe qui a tout de même désiré se rapprocher des spectateurs et créé une atmosphère intime, près du public, afin de les rendre volontairement inconfortables. 

« On voulait vivre une démarche artistique, confie M. Gregory. On a pris des risques. » Le décor, l’utilisation des téléphones, la disposition de la salle, les costumes, tout a été réfléchi afin de converger vers un public impliqué, qui réfléchirait simultanément à l’expérience théâtrale qu’il vit. 

L’ambiance incommodante est amplifiée par les sonneries des téléphones qui, bien que distrayantes de prime abord, sont rapidement relayées comme bruit de fond de la pièce. « On veut provoquer une prise de conscience, que les gens se demandent comme ça résonne tout ça », indique-t-il. Le fait que le spectateur se soit pris au jeu lui permet de vivre une sorte de communion avec le texte, qui alors prend tout son sens.

Il reste encore des billets pour les représentations de Rhinocéros les 19, 25, 26 et 27 novembre prochains à 19 h 30, à l’auditorium l’école Gabrielle-Roy.

Photo: Rhinocéros, une production des Indisciplinés de Toronto