Le mardi 16 novembre, l’Ontario mettait de l’avant l’histoire des Métis par le biais d’une brève cérémonie à Queens Park. En effet, en ce Jour de Louis Riel, personnalités politiques et représentants de la Métis Nation of Ontario, l’organisme ayant pour mandat de représenter les intérêts de cette minorité en pleine renaissance, se sont rassemblés aux abords de la législature ontarienne. Les discours ont succédé au lever du drapeau officiel de ce peuple né de la rencontre des Européens et des Autochtones.
Greg Rickford, ministre provincial des Affaires autochtones, avait mis la table plus tôt en journée en invitant la population à faire de cette journée un moment de réflexion : « Tous les 16 novembre, les Ontariens se joignent au peuple métis pour commémorer le jour de Louis Riel et son héritage durable en tant que dirigeant politique, activiste et champion de la justice.
« Ce jour vise à honorer l’apport de Riel à la Confédération canadienne et à protéger l’histoire, la culture et l’identité diversifiées du peuple métis. En défendant courageusement les droits des minorités et les droits linguistiques, Riel a contribué à jeter les assises d’un Ontario et d’un Canada plus inclusifs ».
Cela est facilement dit en 2021, mais il n’était certes pas ainsi au XIXe siècle et surtout pas chez les Anglo-Saxons, sûrs de leur supériorité.
Les détails relatifs à la vie de Louis Riel ne peuvent pas être relatés dans le cadre d’un simple article de journal, mais l’on ne peut passer à côté des grandes lignes de son parcours politique.
Riel naît en 1844 dans une petite communauté qui, avec d’autres, vit sous l’autorité de la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui administre directement un immense territoire qui va de l’Arctique aux Rocheuses en passant par les Prairies.
Le transfert de ce territoire au gouvernement canadien ne prévoyait guère de consulter la population locale, faite d’Autochtones, de Canadiens français, d’Écossais et d’Anglais liés par les liens du sang et du mariage, sur ce qu’elle désirait quant à son avenir politique.
Qui plus est, l’intention évidente du gouvernement fédéral d’amorcer la colonisation de cette région par des Anglo-Protestants soulevait l’ire des locaux, menacés dans leur droit de propriété.
L’automne 1869 voit donc la mobilisation des Métis prendre de l’ampleur contre ce projet. Louis Riel s’impose comme un meneur et, en décembre, un gouvernement provisoire est mis en place dont il est nommé président.
L’union avec le Canada ne se fera qu’en tenant compte des besoins des Métis et de leur réalité socioculturelle : telle est la volonté de ce groupe d’hommes bien décidés.
Mais une autre faction n’entend pas baisser les bras aussi facilement : l’élément anglophone et protestant, largement constitué de colons récemment installés et favorables à une annexion au Canada.
D’altercations en confrontations, la tension monte et, en dépit des tentatives d’apaisement de part et d’autre, Louis Riel en vient à l’idée que les Métis doivent se montrer fermes et faire comprendre qu’ils ne peuvent être pris à la légère. Le 4 mars 1870, Thomas Scott, hostile aux Métis, est fusillé pour son insubordination au gouvernement provisoire.
Dans les semaines qui suivent, ce même gouvernement parvient à négocier avec Ottawa une entente d’entrée dans la Confédération qui soit favorable aux Métis et le Manitoba est ainsi créé. Cependant, pour avoir autorisé l’exécution de Scott, Riel se voit contraint de partir en exil aux États-Unis pour éviter des représailles.
Commence alors pour lui 14 années d’errance avec de fréquents retours au Canada. Cet épisode de sa vie est également marqué par l’apparition des premiers symptômes de ses troubles psychiatriques qui lui font croire qu’il est investi d’une mission divine en faveur de son peuple.
Celui-ci commence d’ailleurs au même moment à pâtir de son annexion au Canada. Le gouvernement fédéral ne remplit guère ses obligations dans les Prairies et la population locale, tant les Métis que les Anglo-Saxons, est insatisfaite.
Au printemps 1884, des représentants de la population demandent formellement à Louis Riel de revenir au Canada et de se faire leur porte-parole auprès d’Ottawa.
C’est, dès lors, un scénario semblable à ce qui s’était produit des années plus tôt qui commence à se dérouler : dans une atmosphère de tensions ethno-religieuses, les demandes adressées au gouvernement fédéral tombent à plat devant les tergiversations de celui-ci.
Une différence majeure démarque cependant la deuxième rébellion de la première : les décisions souvent erratiques de Louis Riel, de moins en moins en contact avec la réalité de par ses problèmes mentaux.
Le printemps 1885 est marqué par un soulèvement armé des Métis et des Autochtones, mais c’est la défaite qui est au rendez-vous et, cette fois, les plus acharnés des Anglo-Protestants comptent bien faire de Riel un exemple. À l’issue d’un procès à la procédure controversé, le plus célèbre des leaders métis est trouvé coupable et pendu le 16 novembre.
Louis Riel a depuis été réhabilité et les hommages à son endroit ne manquent pas. Depuis 1992, il est même officiellement reconnu comme fondateur du Manitoba. Or, en voyant le déclin du français dans les Prairies et le sort longtemps réservé aux Autochtones et aux Métis, il y a lieu de se demander quel jugement il porterait aujourd’hui sur ce pays qui célèbre sa mémoire.
PHOTO – Bill Walker, vice-président de l’Assemblée législative, s’adresse à l’assistance alors que Margaret Froh, présidente de Métis Nation of Ontario, hisse le drapeau métis.