À l’occasion du 100e anniversaire de la Première Guerre mondiale, un séminaire animé par le professeur Eric Jennings était organisé conjointement par le consulat de France et l’Université de Toronto. De nombreux spécialistes francophones et anglophones étaient conviés à donner des présentations sur la guerre 1914-18, son impact, ses enjeux et la construction de son souvenir.
La conférence s’ouvre sur l’exposé du professeur Bruno Cabanes qui énonce les nouvelles perspectives au sortir de la Grande Guerre. Il analyse l’état d’esprit et les réactions des communautés, des vétérans et des victimes de cette guerre. Cette période de sortie de guerre marque le début d’un combat pour les droits de l’homme et notamment pour les droits des vétérans en France.
Il convient également de rappeler que la Première Guerre mondiale a éclaté à un moment où la France était à la tête d’un véritable empire colonial. C’est l’occasion pour le professeur Richard Fogarty d’aborder le thème sensible des « empires, races et religions dans la Grande Guerre »,
en expliquant les enjeux liés au recrutement de combattants nord-africains. Il qualifie cette guerre de « conflit pour diriger le monde musulman », et qui a amené une « première expérience multiculturelle en France ».
L’expérience traumatisante de la Grande Guerre a causé des séquelles et des traumatismes. La construction de l’héritage des vétérans français est expliquée par le professeur Nicolas Offenstadt. Il retrace le façonnement de la « mémoire de la Grande Guerre » en distinguant la période de deuil de 1919 à 1939, puis celle de 1945 aux années 1960 où le souvenir de la Première Guerre disparaît. S’ensuit alors une période de crainte de la disparition du souvenir de guerre des années 1960 à 1980, qui s’enchaîne avec la renaissance de ce souvenir des années 1990 à aujourd’hui. Le professeur évoque la tombe du soldat inconnu, située sous l’Arc de triomphe à Paris, qui constitue à la fin de la guerre le point de repère des commémorations et du souvenir de guerre.
Enfin, la proximité des deux guerres mondiales a causé une confusion dans les commémorations mêlant les civils aux militaires. Olivier Wieviorka, professeur à L’ENS Cachan met en exergue la similarité des commémorations de chacune d’elles, qui ne ciblent pas toujours les mêmes victimes. L’on en vient à se demander si ces commémorations quelque peu maladroites sont accidentelles, délibérées ou encore le fruit de la confusion politique d’un pays meurtri. Mais le souvenir de 1914-1918 se fait de plus en plus distant et s’entretient grâce aux historiens. Le professeur Leonard Smith, s’est intéressé à leur histoire et détaille son étude sur les différentes générations d’historiens de la guerre 1914-18, et comment chaque génération s’est impliquée.
Une discussion riche en information sur la guerre la plus meurtrière rappelle l’importance de l’héritage des vétérans et de la mémoire de guerre. Cette rencontre était présentée dans le cadre d’évènements organisés avant les célébrations de commémoration de l’Armistice du 11 novembre.
Photo : Les professeurs et l’assemblée écoutent l’exposé de Bruno Cabanes.