À l’occasion de la super conférence de l’Ontario Librairies Association, au Metro Convention Centre, une foire francophone a été organisée par l’Association des bibliothèques de l’Ontario-Franco. Son point culminant était un débat sur le thème de l’identité franco-ontarienne.

On calcule volontiers la qualité d’un débat à la liberté de ton des débatteurs. En cela, le débat organisé par l’ABO-Franco, le samedi 2 février, était de haute tenue. Pas de langue de bois, pas de (ou peu) d’autocongratulation identitaire.

Pour Claire Dionne, élue à la tête d’ABO-Franco la veille, c’est un mandat qui commence bien.

Au programme, Christian Pilon (un fier représentant métis francophone, voyageur de profession et conférencier), Chantal Hébert (une célèbre journaliste, pilier du Toronto Star), Richard Théoret (un professeur de science politique à l’université Laurentienne), Nathalie Nadon (une artiste qui porte haut la langue de Molière), Monique Brûlé (une bibliothécaire) et deux trublions, Michel Laforge et Félix Hallée-Théoret (fondateurs et colonne vertébrale du webzine franco-ontarien tagueule.ca.). Et pour animer le tout, Odette Gough de Radio-Canada.

Le débat était articulé autour de plusieurs questions, qui tournaient toutes autour de l’identité-franco-ontarienne. Qu’est-ce qu’être Franco-Ontarien aujourd’hui?

Tandis qu’on aurait pu s’attendre à une série de clichés lénifiants, l’assemblée fut surprise d’entendre un son de cloche nouveau : « Pour moi, il n’y a pas de communauté franco-ontarienne ». Michel Laforge avait frappé. « Je ne suis pas fier d’être Franco-Ontarien. Je préfère me tourner vers une culture mondiale, plutôt que de me recroqueviller sur des régionalismes. »

Et Félix Hallée-Théoret de renchérir : « Je suis Franco-Ontarien parce que mon père est Franco-Ontarien. C’est tout. » Les deux bloggeurs ont ensuite comparé le cas des Acadiens et des Franco-Ontariens. Si les Acadiens ont 250 ans d’histoire, les Franco-Ontariens existent en tant que tels seulement depuis 40 ans. Avant cela, ils étaient Canadiens français, au même titre que les Québécois.

Questionné en entrevue sur ces points de vue assez abrupts, Michel Laforge a déclaré : « Je suis réaliste, pas « vitaliste ». Je ne veux pas embellir les choses quand elles ne sont pas belles. »

Sur le rôle de l’éducation en français, Chantal Hébert a insisté pour dire que « les enseignants ne sont pas là pour donner une identité aux élèves », mais pour éduquer et former les esprits. Cette journaliste, qui a fait une grande partie de sa carrière en anglais, a également pris ses distances avec l’idée d’identité franco-ontarienne.

Christian Pilon a apporté une réponse étayée par son expérience dans les écoles de l’Ontario. « Les petits blancs catholiques y sont souvent minoritaires. Aujourd’hui, les enfants des écoles francophones viennent de partout et c’est très bien. » En ce qui concerne les nouveaux arrivants, l’enthousiasme était partagé par Nathalie Nadon, qui a déclaré : « On est gagnants de les accueillir ».

Michel Laforge en entrevue, a regretté l’absence de nouveaux arrivants dans le panel de la table ronde. Toutefois, un des points forts de la matinée fut une très touchante déclaration d’une dame d’origine maghrébine, actrice, qui faisait part d’une expérience personnelle. On lui a refusé un contrat car elle n’avait pas « un accent assez canadien ». Aussitôt, Odette Gough s’est exclamée : « Soyez la bienvenue ici, madame! »

Malgré cette triste note, tout le monde a loué « la liberté de ton du débat », en espérant qu’il y en ait d’autres!

Photo : De gauche à droite : Michel Laforge, Odette Gough, Nathalie Nadon, Monique Brûlé, Christian Pilon, Richard Théoret, Félix Hallée-Théoret et Chantal Hébert