Richard Caumartin

Le mardi 13 mai, des leaders provenant de divers secteurs de la politique, des affaires et de la société civile se sont réunis au restaurant Reyna de Toronto pour une discussion stratégique afin de réfléchir sur la façon d’améliorer le sort des entrepreneures noires comme moteurs mondiaux de l’inclusion et de la croissance au niveau de l’économie canadienne.

Cette rencontre était en quelque sorte un suivi du Forum permanent des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine qui a eu lieu du 14 au 17 avril aux Nations Unies à New York, et qui a rassemblé des leaders d’Amérique du Nord, des Caraïbes et d’Afrique autour d’une réalité bien connue : les entrepreneures noires sont essentielles à la croissance inclusive, à l’équité structurelle et à la transformation intergénérationnelle.

« Nous nous sommes rencontrés à New York pour discuter des questions de réparation et d’éradication du racisme vécues par les personnes d’ascendance africaine, explique Léonie Tchatat, directrice générale de La Passerelle-I.D.É. Dans le cadre de ce Forum, nous avons beaucoup discuté des questions de justice sociale, d’économie, des nouvelles technologies et autres sujets d’intérêt. J’ai eu l’occasion d’intervenir sur le pouvoir économique des femmes francophones noires et racialisées sur le plan des opportunités économiques parce qu’elles passent souvent sous la table. La conférence s’est terminée et la délégation canadienne étant de retour, notre rencontre de Toronto a servi à discuter et déterminer ce qui devra être fait sur le plan canadien. »

Organisée par Boss Women Entrepreneurship, BLCKS, La Passerelle-I.D.É., Urban Rez Solutions, et Reyna Hospitality Group NYC, la rencontre torontoise visait aller au-delà de la vision pour passer à l’action, en traduisant les recommandations mondiales en résultats concrets et mesurables.

« Nous avons plaidé notre cause aux Nations Unies : les femmes noires ne sont pas une sous-catégorie de l’économie mondiale. Nous en sommes le pilier central, a déclaré Nadine Spencer, PDG de Boss Women Entrepreneurship et principale instigatrice de cette initiative. Le moment exige une refonte des systèmes dans les pratiques d’approvisionnement, le financement, l’IA et dans la manière dont les institutions prennent leurs décisions. »

Les discussions étaient axées autour de quatre piliers issus des recommandations soumises aux Nations Unies, soit la mise en œuvre d’audits d’équité raciale et d’indicateurs inclusifs dans les chaînes publiques et privées, le développement d’infrastructures de financement complètes allant au-delà des subventions pour inclure des outils d’investissement adaptés à la croissance, l’intégration de l’équité dès la conception des technologies émergentes et le démantèlement des barrières linguistiques, politiques et financières qui excluent les femmes noires francophones.

« Les femmes noires francophones sont trop souvent invisibles dans les politiques économiques. Pourtant, elles sont au cœur des systèmes de main-d’œuvre au Canada, en Afrique et dans les Caraïbes, souligne Léonie Tchatat. Il ne s’agit pas d’inclusion à la marge mais plutôt de concevoir un monde plus juste. Nous, nous sommes assis à la table et c’est important parce que sur le plan linguistique, il y a une inégalité du fait que lorsqu’on est francophone et que l’on participe à ces discussions où tout se joue en anglais, on est diminué par nos capacités de se faire valoir. Comment est-ce que la femme noire marginalisée devient actrice dans cette conversation? Comment aidera-t-elle à structurer les politiques autour des stratégies avancées et devenir un moteur économique? »

Mme Tchatat indique qu’une grande partie des discussions à Toronto a porté sur le fait qu’il est plus que jamais important pour le groupe de se connecter avec la diaspora africaine. « Il y a des choses qui se font sur le continent africain, des partenariats qui se forment et créent des opportunités économiques intéressantes qui pourraient changer le statut quo. En Afrique, les femmes sont très avancées sur les modèles d’économie sociale. Le Canada a un potentiel de pouvoir s’ouvrir vers la globalisation mondiale. Il y a des femmes entrepreneures ici qui n’ont pas le capital de pouvoir promouvoir leurs produits canadiens outre-mer. Donc, c’est essentiel que l’on soit présent à ces conférences. La prochaine aura lieu à Genève et il est important pour nous de se positionner avant de s’y rendre et de voir quelles ont été les évolutions réalisées concrètement depuis le Forum de New York », conclut-elle.

Il s’agit, pour ce groupe de leaders francophones, d’un appel au gouvernement canadien de comprendre qu’il y a une particularité pour les femmes noires francophones et immigrantes dans le domaine de l’économie et qu’il faut investir. Un plan spécifique sera développé dans les semaines à venir par le groupe qui planifie se rencontrer à Toronto pour mettre de l’avant des actions concrètes.

Photo : Des leaders mondiaux issus du milieu politique, des affaires et de la société civile se sont réunis à Toronto dans le cadre d’une rencontre stratégique sur le thème « les entrepreneures noires comme moteurs mondiaux de l’inclusion et de la croissance ». (Crédit : La Passerelle)