Richard Caumartin

Un débat politique en français présenté à Radio-Canada et TFO le 19 février en marge des élections provinciales du 27 février donnait la parole à un représentant francophone de chacun des principaux partis politiques ontariens.

Sandra Padovani, correspondante parlementaire de TFO et Sébastien St-François, chef d’antenne du Téléjournal Ontario ont mené le narratif en posant des questions sur les enjeux de cette campagne électorale qui touchent directement la francophonie ontarienne à Caroline Mulroney du Parti progressiste-conservateur, Lucille Collard du Parti libéral, France Gélinas du Nouveau Parti démocratique et Michelle Petersen du Parti vert.

Les trois grands thèmes proposés étaient vivre sous la menace tarifaire américaine, vivre au quotidien avec des questions tournant autour de la santé, le logement et le transport et, finalement, vivre en français en Ontario, ce qui inclut les enjeux relatifs à l’éducation, l’immigration et l’accès aux soins de santé en français. Chaque candidat avait 30 secondes pour répondre aux questions suivies de débats de trois minutes au cours desquels les candidates ont pu réagir.

La première question posée à Michelle Petersen était à savoir ce que son parti comptait faire contre la menace de Donald Trump d’imposer des tarifs aux exportations canadiennes autre que la formation d’un comité. « Au-delà de créer cette équipe, nous voulons également mettre en place un programme stratégique d’achat ontarien et ainsi favoriser les produits locaux, dit-elle, et à travers les provinces, créer cet esprit de collaboration parce qu’on a besoin d’un front unifié. »

« Qu’on parle de l’industrie de l’auto à Windsor ou Oshawa, de celle de l’acier à Hamilton ou Sault Ste. Marie, ou de l’industrie forestière dans le Nord de la province, ce sont des centaines de milliers d’emploi qui sont à risque et nous avons besoin d’un gouvernement qui parle fort, réplique France Gélinas. Pourquoi sommes-nous tous en élections alors que nous devrions travailler pour sauver ces emplois? »

Le fait que Doug Ford a déclenché des élections hâtives était vraisemblablement un irritant qui s’est fait sentir dans les camps néo-démocrate et libéral surtout, et qui a obligé Caroline Mulroney à se défendre des attaques répétées de ses adversaires qui insistaient sur le fait qu’elles devraient être à Queen’s Park à défendre les intérêts de la population ontarienne plutôt que d’être en campagne électorale.

« Nous avons proposé une réponse très forte, insiste Caroline Mulroney. Doug Ford est allé à Washington, un leader fort prêt à protéger 500 000 emplois. Le ministre des Finances et moi avons présenté un plan pour le soutien qui sera nécessaire pour les travailleurs et les entreprises pour faire face à cette menace. »

Mme Collard a qualifié cette campagne de « coûteuse pour tous les Ontariens et inutile ». « La grande majorité que Doug Ford réclame pour cette élection, il la possédait déjà! On s’explique mal cette décision alors que nous devrions être ensemble à Queen’s Park pour développer un front unifié », ajoute la candidate libérale.

Les chèques de 200 $ envoyés à tous les Ontariens juste avant l’élection provinciale ont fait l’objet de nombreuses critiques de la part des partis libéral et néo-démocrate qui ont qualifié cette initiative de « tentative d’acheter des votes ». Mme Mulroney a plutôt parlé de « bon leadership ».

Au niveau de vivre au quotidien, le coût de la vie et des logements a alimenté les discussions. « Nous sommes très conscients des défis que le coût des logements représente pour les Ontariens, un fardeau très onéreux à ce point tel que nous avons aujourd’hui 80 000 sans-abri en Ontario, une des provinces les plus riches du pays. On a des gens qui habitent dans des tentes; c’est complètement inacceptable », insiste Lucille Collard.

« On vit une crise de logement actuellement, pas seulement à Toronto mais partout où tu vas, ajoute Mme Gélinas. Savez-vous que l’Ontario a bâti moins de nouvelles maisons qu’en 1955 ? Le plan de M. Ford ne fonctionne pas. Nous voulons ramener le coût des logements abordable, les logements coopératifs et avec soutien, pour s’assurer qu’on s’adresse aux sans-abri mais également pour les travailleurs qui eux aussi n’ont pas de places où rester. »

Mme Petersen a voulu ramener cette discussion à la base, elle qui a travaillé sur le terrain auprès de personnes vulnérables. « Je connais l’importance de loger les gens, dit-elle. J’ai travaillé dans le secteur de la violence faite aux femmes durant plusieurs années et la pénurie de logements a un impact dévastateur sur cette population vulnérable. Les femmes qui veulent fuir une relation violente ont nulle part où aller. Elles ont le choix de rester avec un partenaire violent ou l’itinérance. Est-ce vraiment un choix ? »

Le dernier segment traitait des services en français et le secteur de l’éducation en français souffre d’un manque de moyens financiers et d’une pénurie d’enseignants francophones. « Il faut commencer par investir dans notre système d’éducation, répond Mme Collard. Le gouvernement s’est dépêché avant l’élection d’aller mettre des pancartes bleues devant nos écoles pour se vanter d’avoir investi 16 milliards $ dans celles-ci. Si vous allez sur le terrain et que vous visitez les écoles, vous vous demanderez où est allé cet argent. Nous avons des infrastructures scolaires qui tombent en ruine. Nous avons aussi besoin de plus de places en garderie. »

France Gélinas a répliqué que dans la plateforme néo-démocrate, c’est 830 millions $ qu’il faut investir chaque année juste pour remettre les écoles en bon état. « Les toits qui coulent, l’eau qui est imbuvable dans une école de mon comté parce qu’il y a trop de plomb, ça n’a aucun sens! »

« Notre gouvernement s’est concentré à développer un continuum en français, de la petite enfance jusqu’au post-secondaire. La pénurie d’enseignants dans la province a commencé sous les libéraux et nous travaillons très fort pour rectifier la situation. Nous avons mis sur pied la première université pour et par les francophones, l’Université de l’Ontario français, nous avons doublé le nombre de candidats pour le baccalauréat en éducation et doublé le nombre de sièges en éducation à l’Université d’Ottawa pour former de plus en plus d’enseignants. Nous construisons des écoles de langue française à travers la province parce que la communauté francophone a besoin de celles-ci pour l’épanouissement de la langue », réplique vivement Caroline Mulroney.

Mme Petersen a semblé frustrée de cette réponse de la candidate conservatrice. « Il y a une pénurie de services en français dans cette province. Le Parti vert est dédié à remettre en place le bureau indépendant du commissaire des services en français parce qu’au-delà d’investir dans l’éducation et la petite enfance, on a besoin de mesures de redevabilité de notre gouvernement et de communiquer aux Franco-Ontariens que l’on assure une qualité de ces services partout en province », conclut-elle.

Photo (capture d’écran) : De gauche à droite : Michelle Petersen, Caroline Mulroney, Lucille Collard et France Gélinas