Le mercredi 20 novembre, le Club canadien de Toronto invitait Stéphanie Chouinard, professeure adjointe au département de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada, Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), et Amanda Simard, députée de Glengarry–Prescott–Russell. Ce panel de prestige a, à l’occasion du déjeuner-conférence de l’organisme, répondu aux questions du journaliste Benjamin Vachet quant au bilan à dresser, un an plus tard, du mouvement de résistance franco-ontarienne.
C’était en effet le 15 novembre 2018 que le gouvernement provincial annonçait, dans son énoncé économique, son intention de mettre fin au projet de création de l’Université de l’Ontario français et de transférer les responsabilités du commissaire aux services en français au bureau de l’Ombudsman. Ce « jeudi noir » est désormais entré dans l’histoire, tout comme la contestation multiforme qui l’a suivi.
Les trois panélistes ont convenu que ces réactions ont été d’autant plus fortes que ce qui les avait provoquées constituait une trahison des engagements qui avaient été pris pendant la campagne électorale. Doug Ford s’était prononcé en faveur de l’université francophone et n’avait rien dit qui puisse laisser croire qu’il s’en prendrait aux acquis des Franco-Ontariens. Le gouvernement a sous-estimé la contestation qu’allaient susciter ces décisions de dernière minute.
À savoir si Mme Simard aurait dû demeurer, au moment des faits, membre du caucus progressiste-conservateur, M. Jolin est enclin à dire que oui, puisque cela aurait peut-être donné une voix de plus aux francophones à l’intérieur du gouvernement. La principale intéressée est cependant persuadée du contraire : rester aurait envoyé le mauvais message et fait croire au gouvernement qu’il peut aller encore plus loin dans ses coupes sans perdre ses alliés.
Est-ce que ces compressions budgétaires n’ont pas eu pour conséquence, paradoxalement, de renforcer la francophonie ontarienne? « À 100 %, répond Amanda Simard. S’ils croyaient nous étouffer, ça a eu tout l’effet contraire. On s’est tenu debout ensemble et on a appris à se connaître. » La députée ajoute que les contestations ont été un moment formateur pour les jeunes et que les liens entre francophones de partout au Canada se sont consolidés.
À la même question, Carol Jolin répond aussi par l’affirmative : « On dirait, des fois, que ça nous prend une crise pour se retrouver ». Les nombreuses initiatives locales et les démonstrations qui ont eu lieu partout illustrent que la population d’un océan à l’autre a été sensibilisée aux enjeux de l’Ontario français. « Il y a une belle solidarité franco-canadienne qui s’est faite », commente le président de l’AFO qui prend pour exemple le drapeau franco-ontarien qui a été hissé à l’Assemblée nationale du Québec.
Même son de cloche du côté de Stéphanie Chouinard qui ajoute néanmoins un bémol : « Il a fallu que l’on voit la communauté être attaquée pour que la solidarité se développe ». La professeure se questionne à savoir pourquoi les projets positifs ne sont guère rassembleurs alors que ce sont toujours les événements négatifs qui électrisent les passions : « Les Règlement 17, les Montfort, la communauté franco-ontarienne ne devrait pas vivre que de ça ».
La résistance devrait-elle se poursuivre? À cette question épineuse, tous conviennent qu’un certain niveau de pression devrait être maintenu. La pression populaire et les démarches politiques sont probablement plus efficaces que la voie judiciaire, processus long et ardu. Le financement de l’Université de l’Ontario français en est un exemple. Qui plus est, la dynamique militante qui subsiste pourra servir dans d’autres dossiers telles que la réforme de la Loi sur les services en français et celle de la Loi sur les langues officielles. Qui plus est, il reste l’indépendance du commissaire aux services en français à rétablir.
Ce déjeuner-conférence était, par le biais des collèges Boréal et La Cité, diffusé en direct aux quatre coins de l’Ontario. À Toronto, près de 140 personnes étaient présentes et c’est devant cette assistance substantielle que le président de l’organisme, Dominic Mailloux, a annoncé que le Club canadien a noué un partenariat avec le Regroupement des gens d’affaires de la capitale nationale. Les avantages d’être membre d’un des deux organismes seront offerts aux membres de l’autre organisme et tous deux publiciseront les activités de leur vis-à-vis. Les professionnels de Toronto et d’Ottawa en visite auront ainsi une opportunité de réseauter et de se joindre à d’intéressants rendez-vous tel que c’était le cas en cette fin novembre.