Le panel Féminin Pluriel de la 23e édition de Cinéfranco a accueilli trois femmes du milieu du cinéma canadien pour discuter de ce monde qui s’ouvre peu à peu à la diversité de la population canadienne-française.
Katia Café-Fébrissy, réalisatrice et scénariste, avoue que pour l’instant elle ne se reconnaît pas souvent à l’écran. Les femmes et les hommes noirs jouent des rôles très stéréotypés. « Ils jouent au noir, c’est caricaturé. J’aimerais tout simplement faire du cinéma sans me questionner s’ils cochent une boîte pour la subvention ou si je suis bonne », affirme-t-elle. Puis, derrière la caméra, la scénariste originaire de Paris (France) indique qu’il n’y a qu’un faible pourcentage de femmes noires. Difficile de s’y retrouver.
Sonia Bonspille Boileau, réalisatrice elle aussi, a vu des avancées importantes dans le cinéma autochtone. « Les programmes spécifiques pour réalisateurs autochtones ont eu un grand succès à rajouter les voix des Premières Nations à l’écran. C’est rafraîchissant », dit-elle en souriant.
La réalisatrice remarque que le cinéma autochtone s’est ouvert au monde et s’adresse à un plus grand public, ce qui le rend plus accessible. Quoique ces programmes sont loin d’être l’option parfaite, ils sont, pour l’instant, nécessaires jusqu’à ce que la place du cinéma autochtone ne soit pas remise en question et oubliée.
Gabrielle Boulianne-Tremblay, actrice et autrice, admire les réalisateurs qui prennent le temps et font les démarches nécessaires pour bien traiter des réalités qui ne sont pas les leurs. « Trop souvent, le personnage trans tourne uniquement autour du fait qu’il soit trans. Il n’a pas beaucoup de profondeur ni de complexité », rapporte-t-elle. Selon la comédienne, les alliés doivent écouter et être prêts à se questionner par rapport à leur travail.
Il y a aussi le problème de la banque de vedettes. Mme Boileau observe que souvent les bailleurs de fonds quantifient le succès d’un projet en fonction des vedettes qui y participent. « Le cinéma francophone est frileux de mettre le projet entre les mains d’un nouveau venu, ils vont piger dans la banque de vedettes pour en assurer le succès », informe-t-elle. Au lieu de cela, la réalisatrice suggère qu’un travail d’équipe est gagnant. « Donnons-nous la main et bâtissons des ponts entre les artistes établis et ceux marginalisés. »
À cause de l’utilisation de la banque de vedettes, Mme Boulianne-Tremblay cherche des films avec des comédiens inconnus. « On finit par voir l’acteur plutôt que le personnage et je décroche », précise-t-elle. Puis, pour ce qui est de la distribution d’un rôle pour un personnage transgenre, elle souligne qu’un des problèmes est celui du marketing. « Une personne cisgenre ne pourrait jamais être transgenre et faire la promotion d’un projet nécessitant certains vécus et parler de ces sujets-là. »
Mme Café-Fébrissy admet qu’elle a peur d’être perçue comme porte-parole de la communauté noire. « Ça ne veut même rien dire puisqu’il y a tellement de différentes réalités noires. Je ne peux pas être la voix de tout le monde », affirme-t-elle. Elle souhaite que les gens prennent le temps de voir l’humain avant tout.
Les trois femmes sont d’accord : il faut plus d’audace dans l’ensemble du cinéma canadien-français. Des subventions qui osent miser sur des projets semblablement plus obscurs, des cinéphiles qui visionnent des films hors de leur propre réalité et des réalisateurs qui incluent la diversité tout naturellement, comme elle se présente dans la vie de tous les jours.
SOURCE – Élodie Dorsel