Lancement de l’Observatoire en immigration

Jean-François Gérard

Le Centre francophone du Grand Toronto (CFGT) a accueilli le lancement de l’Observatoire en immigration le mardi 7 novembre. Cette initiative rassemble des services communautaires et universitaires pour produire « de la recherche appliquée sur les dynamiques et besoins de l’immigration francophone », explique Linda Cardinal, professeure émérite à l’Université d’Ottawa et désormais vice-rectrice adjointe à l’Université de l’Ontario français (UOF). Le projet interdisciplinaire, dont les prémisses remontent à 2019, vise à « publier des rapports, des infographies » ou encore « mettre en valeur ce qui se fait », complète-t-elle, pour éclairer les décideurs.

Le nouveau ministre de l’Immigration Marc Miller était présent. Le député libéral de Montréal en a profité pour défendre les cibles d’immigration francophone hors Québec « ambitieuses, mais réalistes », selon lui. Le gouvernement libéral vise 6 % en 2024, puis 7 % en 2025 et 8 % en 2026.

Ces objectifs ont profondément déçu les organisations de la Fédération des communautés francophones et acadienne. Après s’être penchées sur le sujet avec des spécialistes, elles proposaient une cible de 12 %, puis à terme de 20 %. Cette proposition visait à revenir sous quelques décennies à 6,1 % de locuteurs francophones hors Québec, comme en 1971 et surtout comme le prévoit la nouvelle Loi sur les langues officielles votée en juin. La proportion actuelle n’est que de 3,3 %.

« Une loi ambitieuse » a d’ailleurs salué la directrice du CFGT, Florence Ngenzebuhoro. Arrivée en 1994 au Canada, elle dit avoir souffert à l’époque du manque de structures francophones.

Le ministre Marc Miller a dit qu’il ne voulait pas faire de « fausses promesses », après que la précédente cible, 4,4 %, ait été atteinte « de peine et de misère » en 2022 pour la première fois depuis 2006. Il se dit prêt à augmenter les objectifs à l’avenir « si les mécanismes sont en place ». Des arguments qu’il avait déjà livrés lors d’un point presse à Toronto une semaine plus tôt.

« Il faut plus que des pourcentages pour une belle intégration a ajouté le ministre. Il faut que les humains soient au cœur de notre ouvrage ». Il se dit « profondément » préoccupé par les immigrants qui « au bout de deux ou trois générations perdent leur langue ».

Le premier travail de l’Observatoire est une courte formation avec 25 personnes aux profils variés (salariés, consultants, étudiants) conduite par Jean-Pierre Corbeil, professeur associé au département de sociologie de l’Université Laval et ancien responsable du programme de la Statistique linguistique pour Statistique Canada.

« Beaucoup d’informations sur la langue sont accessibles, mais très peu de gens sont familiers avec ces données, décrit-il. Pourtant à partir de ces outils, on a pu mobiliser la classe politique et mis en évidence que le déclin du français venait principalement du poids de l’immigration », se rappelle le statisticien. Il relève « qu’avec les cibles actuelles, la part de francophones va continuer à baisser » et qu’il faudrait aller au-delà pour un rattrapage.

Les financements de l’Observatoire au-delà de mars 2024 doivent encore être validés pour une reconduction et débuter le travail à vocation publique.

Le Comité de lancement, nommé pour une durée indéterminée, est composé d’Amin Moghadam, chercheur senior à la Toronto Metropolitan University, Aïssa Nauthoo, vice-présidente du CFGT, Guillermo Candiz, professeur adjoint à l’UOF, Christophe Traisnel, professeur et directeur du département de Science politique à l’Université de Moncton, Kimberly Jean Pharuns, directrice en immigration francophone de la FCFA, Alain Dobi, directeur général du Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest, et Bintou Sacko, directrice de l’Accueil francophone du Manitoba.

Photo : Jacques Naud (UOF), Aïssa Nauthoo (CFGT), Florence Ngenzebuhoro (CFGT), le ministre Marc Miller, Estelle Duchon (CFGT), Linda Cardinal (UOF), Aliou Sene (CFGT) et Pierre Ouellette (UOF)