À quoi pouvait bien ressembler la vie au fin fond des bois en Ontario ou le long des Grands Lacs il y a deux siècles? Pas question évidemment de fouiller sur YouTube! Quelques témoins de cette époque eurent cependant la présence d’esprit de peindre ou de dessiner leur entourage. Le Musée royal de l’Ontario (ROM) présente justement deux petites expositions de peintres qui s’attachèrent à décrire la vie des colons et des Premières nations alors que le Canada n’en était qu’à ses premiers balbutiements.
Vous connaissez peut-être déjà cette célèbre peinture de Paul Kane intitulée Rapides de la rivière des Français, œuvre dans laquelle on voit un groupe d’Amérindiens débarquant des ballots de fourrures d’un canot et préparant leur campement près d’un portage. On est naturellement en droit de penser que la scène observée par l’artiste s’est sûrement produite près de la baie Georgienne. Or, la scène s’est déroulée en fait bien loin de là, à plus de 800 km à l’ouest de la Rivière des Français. C’est Kenneth Lister, conservateur adjoint des cultures du monde au ROM qui fut en mesure d’identifier en 2006 le lieu exact, situé près du parc Quetico dans le nord-ouest de l’Ontario.
Le Musée royal de l’Ontario expose ainsi une série de toiles et d’esquisses de Paul Kane dans la Galerie Daphne Cockwell du Canada : Premiers peuples jusqu’au 16 mars 2014. De plus, les visiteurs peuvent admirer une trentaine d’objets provenant des fouilles que Kenneth Lister et son équipe ont effectuées afin d’arriver à la certitude qu’ils avaient bel et bien trouvé le bon site du tableau Rapides de la rivière des Français.
Paul Kane avait pour habitude de confectionner des esquisses sur le terrain, puis de réaliser une grande peinture plus tard en studio. En comparant l’esquisse à l’œuvre sur toile, on constate que l’artiste changeait parfois les costumes des personnages ou même la configuration des lieux. Les services archéologiques du musée ont observé ce même phénomène en examinant aux rayons infrarouges La pêche au fanal, un tableau représentant un groupe d’Amérindiens en train de pêcher au flambeau la nuit. Dans un premier temps, les Autochtones semblaient être habillés « à l’européenne », alors qu’ils sont pratiquement nus une fois la toile achevée. Voulait-il accentuer l’impression de romantisme que l’époque victorienne se faisait des autochtones? Nul ne le sait.
Dans une exposition intitulée Dessine-moi un pays : les femmes, l’art et le Canada du XIXe siècle, le musée présente jusqu’au 17 février prochain les témoignages de trois femmes livrées aux rigueurs de la vie dans l’arrière-pays de ce que sont aujourd’hui l’Ontario et le Québec.
Confrontée à la fois au climat rigoureux et à l’âpreté de la vie dans les bois, Susanna Moodie se résolut à écrire un livre à propos de son expérience de pionnière Roughing in the Bush. Elle se réfugia aussi dans la peinture, réalisant des aquarelles de roses, d’iris et de tulipes. À l’instar de Susanna, Anna Jameson et Alice Killaly se mirent également à leurs pinceaux, préférant elles peindre les paysages enneigés et les excursions à traineau. Contrainte d’accompagner son mari jusqu’à cette colonie éloignée, Anna finit par le quitter et s’embarquer pour un long voyage en canot jusqu’à Sault-Ste-Marie. Durant cette expédition, elle ne cessa de réaliser des croquis sur ce qu’elle pouvait observer. Dans Pique-nique à Montmorenci (sic), Alice Killaly montre une partie de glissade au pied des célèbres chutes. Les scènes ne sont pas sans rappeler celles que l’on retrouve dans les tableaux de Cornelius Krieghoff. Pionnières, aventurières, exploratrices et artistes, ces trois femmes nous révèlent un portrait riche et détaillé du Canada de leur époque.
Quelques œuvres de l’artiste contemporaine Ruth Abernethy jette aussi un regard contrasté et moderne sur le rôle des femmes durant cette période coloniale.
Pour plus de renseignements sur les expositions au Musée royal de l’Ontario : http://www.rom.on.ca/fr.
Photo : Rapides de la rivière des Français, tels que peints par Paul Kane vers 1845.