Autre ville, même constat… Le système de location de vélos en libre-service BIXI (mot-valise formé avec la contraction des mots bicyclette et taxi), mis en place à Montréal en 2009 et par la suite installé à Toronto en 2011, rencontre des difficultés de financement. En 2011, la ville de Toronto offrait des garanties au gestionnaire pour un emprunt de 4,5 millions. Deux ans plus tard, selon toutes les apparences, les revenus générés par les utilisateurs et les commanditaires peinent à couvrir les frais d’exploitation et à rembourser la dette contractée. Scénario ressemblant fort à celui qui s’était déjà déroulé à Montréal au printemps 2011, ville où la municipalité a dû élaborer un plan de sauvetage en offrant un nouveau prêt de 37 millions remboursable sur 10 ans. Le gestionnaire montréalais présentait pourtant des profits en 2010, mais ceux-ci provenaient essentiellement de la vente du concept à d’autres villes comme Toronto.

Le concept de louer des vélos en libre-service semblait pourtant avoir fait boule de neige à travers le monde. Paris, Londres et Washington se sont lancées tour à tour dans l’aventure. La reine des métropoles qu’est New York met également en place le sien. Manifestement, les centres urbains souhaitent se donner une image écologique, sportive et « branchée ».

Alors que les projets à Montréal, Washington, Paris et Londres semblent être en mesure d’être préservés, celui de Toronto serait sur la sellette. De toute évidence, le maire conservateur de la Ville reine ne voit pas d’un bon œil la perspective de venir en aide à un tel programme. Aux dernières nouvelles, la décision de sauver ou non BIXI aurait été repoussée au mois de juillet.

Le gestionnaire BIXI n’a pas répondu à notre demande d’entrevue. Questionnés à ce sujet, les défenseurs d’une plus grande utilisation de la bicyclette en ville sont tous d’accord : BIXI devrait faire partie du plan de transport en public de la ville, au même titre que les tramways, les autobus et le métro.
« C’est en fait une affaire de transport public, affirme Jared Kolb de l’organisation Cycle Toronto. BIXI devrait faire partie intégrante du système de transport public de la ville. Il faut aussi prendre en considération que les termes de l’accord initial avec la ville sont restés confidentiels. Quoi qu’il en soit, BIXI a quand même réussi à rembourser une partie de son emprunt. »

Yvonne Bambrick, spécialiste en matière d’utilisation du vélo comme mode de transport, abonde dans le même sens : « BIXI est très populaire. Je le vois comme simplement une autre branche du réseau de transport en commun. » Elle estime d’autre part que le réseau actuel qui couvre un tout petit carré dans le centre-ville devrait s’étendre au sein d’un plus grand périmètre. Mme Bambrick souhaiterait voir le cheptel de bicyclettes passer de 1000 à 3000, celui des stations de 80 à 300. Le territoire s’étendrait alors à l’intérieur d’un périmètre compris entre High Park, Dupont et Broadview. Selon elle, BIXI serait alors bien plus profitable.

Les utilisateurs rencontrés ne tarissent pas d’éloges sur la façon dont le système fonctionne. Kathleen Ryan, jeune professionnelle et francophile, utilise les bicyclettes BIXI pour effectuer de courts déplacements au centre-ville durant sa journée de travail. Elle confie avoir utilisé le service plus de 100 fois l’an passé. Ryan Luther n’hésite pas à sauter sur un des vélos jusqu’à deux fois par jour tout au long de l’année. Pour un abonnement annuel d’environ 100 $, Kathleen et Ryan peuvent utiliser une bicyclette BIXI un nombre de fois illimité à condition que chaque sortie dure moins de 30 minutes. En octobre 2012, BIXI annonçait avoir atteint 1 million de sorties dans l’espace de 18 mois. BIXI compte actuellement 1000 membres.

Savoir si la ville de Toronto doit venir en aide à BIXI finit par se résumer à un plus large débat de société. Devrait-on exiger que les utilisateurs paient suffisamment pour le service afin que celui-ci devienne rentable, ou bien souhaitons-nous qu’il soit intégré au système de transport public et qu’il reçoive alors les subsides des contribuables? Il reste aussi la fameuse « troisième voie », celle empruntée par des villes comme Washington, Londres et Paris, où les investissements privés viennent apporter une contribution financière généreuse.

Pour le moment et dans l’attente d’une décision de la municipalité, les bicyclettes vont continuer de sillonner les rues du centre-ville.

Photo : Une station de bicyclettes BIXI au pied de l’hôtel de ville