Olaïsha Francis

L’annonce récente du gouvernement ontarien visant à rembourser la portion provinciale de la Taxe de vente harmonisée (TVH) sur les habitations neuves d’une valeur inférieure à un million $ pourrait sembler être une bonne nouvelle pour les accédants à la propriété. Pourtant, selon Laurence Jollivet, agente immobilière à Toronto, l’effet concret sur les premiers acheteurs, surtout dans la métropole, risque de demeurer marginal.

« Souvent, ce sont des jeunes avec un revenu encore limité. Ce type de clientèle s’oriente rarement vers l’achat de logements neufs, car le prix au pied carré est beaucoup plus élevé que les maisons plus vieilles », explique-t-elle.

Au centre-ville de Toronto, les prix des appartements varient largement selon le type de bien. « Un condominium déjà existant se vend entre 800 $ et 1200 $ le pied carré, alors qu’un projet neuf peut atteindre de 1300 $ à 1800 $  du pied carré », indique l’agente immobilière.

Cette différence de plusieurs centaines de dollars rend les constructions neuves beaucoup moins accessibles, même avec le remboursement de la portion provinciale de la TVH de 8 %. « Les acheteurs vont économiser un peu sur la taxe, mais le différentiel de prix est tel que ça ne compensera pas », souligne-t-elle.

Concrètement, un logement neuf d’une valeur d’un million $ est à peine plus grand que 650 pieds carrés, soit un petit deux-pièces difficilement adapté à de jeunes familles. À titre de comparaison, un appartement équivalent sur le marché de la revente coûterait environ 600 000 $, selon ses estimations.

Si la mesure provinciale semble avoir peu d’impact au centre-ville de Toronto, Mme Jollivet estime qu’elle pourrait être mieux accueillie dans des régions où le coût du neuf demeure plus abordable. « Dans les villes où un million de dollars permet d’acheter une maison ou une maison jumelée, là oui, l’économie a du sens. Pour Toronto, en revanche, l’effet sera minime. »

Pénurie de logements continue

Certains experts ont déjà exprimé leurs doutes quant à l’efficacité de la mesure, estimant qu’elle pourrait stimuler la demande sans répondre à la pénurie de logements. Laurence Jollivet partage cette analyse : « Je pense que oui. Le contexte actuel est difficile. Les prix baissent, mais le neuf reste plus cher que ce que les acheteurs sont prêts à payer. »

« Le gros problème, c’est que l’offre ne correspond pas à la demande. On doit construire plus, plus vite et mieux. » Elle rappelle que le véritable problème demeure la désynchronisation entre l’offre et la demande.

Le marché immobilier torontois est aujourd’hui marqué par une double réalité : un ralentissement dans le segment des condos, où l’offre a augmenté, et une rareté persistante des maisons qui maintient leurs prix élevés. Dans ce contexte, les premiers acheteurs peinent à se positionner. Les taux hypothécaires élevés, bien supérieurs à ceux d’avant 2022, compliquent encore l’accès au crédit.

« Il faut un sacré niveau de salaire pour acheter aujourd’hui. Un couple doit gagner au moins 150 000 $ par an pour espérer devenir propriétaire », précise-t-elle. Au-delà du coût des biens, la difficulté principale reste la constitution de la mise de fonds initiale, souvent de 20 % du prix d’achat. « Beaucoup de jeunes louent et ont du mal à épargner. Ce sont souvent les derniers 30 000 $ à 100 000 $ qui manquent pour concrétiser leur projet », affirme Mme Jollivet.

En définitive, si la nouvelle remise de la TVH provinciale permettra à certains ménages de réduire leur facture à la marge, elle ne constitue pas une réponse globale à la crise du logement en Ontario. « Ça peut aider un peu, mais ça ne changera pas fondamentalement le marché », conclut Laurence Jollivet. Pour elle, l’avenir passe par des politiques favorisant la construction rapide et abordable, afin de répondre à l’évolution démographique et aux nouvelles réalités familiales.

Photo : La nouvelle remise de la TVH provinciale ne constitue pas une réponse globale à la crise du logement en Ontario.