La Société d’histoire de Toronto (SHT) conviait ses membres et le public à une conférence et une dégustation de chocolat, le dimanche 1er novembre, à la maison historique Campbell. C’est Chantal Véchambre, historienne et chef, auteure du livre Le goût français au Canada atlantique 1604-1758 – Une histoire gastronomique, qui a raconté aux nombreux curieux l’origine du chocolat. 

Avant sa présentation, Mme Véchambre a servi aux participants un chocolat chaud velouté, tel que le dégustaient les aristocrates aux XVIIe et XVIIIe siècles. Elle a par la suite fait la lumière sur les origines du chocolat qui était consommé, au début, par les Aztèques sous forme d’un breuvage rituel pimenté, élaboré à partir de pâte de cacao râpée, mélangée à de l’eau, parfumée à la vanille, agrémentée de diverses autres épices et épaissie avec de la farine de maïs. Les grains provenaient du cacaoyer,  originaire des forêts tropicales de l’Amérique centrale et cultivé par les Mayas et les Aztèques.

« Entre 250 et 900 après Jésus-Christ, le cacao prend une grande place dans la culture et la religion mayas. La fève de cacao sert en effet de monnaie d’échange. De petite taille, solide et disponible en grandes quantités, la fève de cacao est une monnaie idéale pour les Mayas qui échangent 10 fèves contre un lapin », cite en exemple l’historienne.

Aux alentours de 1300, les Toltèques suivis des Aztèques établissent leur communauté au Mexique. Ils pratiquent le culte du Quetzalcoatl, le dieu du cacao. 

Les Espagnols eurent l’idée d’incorporer du sucre de canne au cacao, dont ils développèrent rapidement la culture dans les régions tropicales d’Amérique Centrale et du Sud, et dans les Caraïbes. Les premières fèves de cacao furent ramenées en Espagne dès le retour d’Hernan Cortes dans la Péninsule en 1528, mais des arrivages réguliers en provenance du Mexique ne commencèrent à être débarqués à Séville qu’à la fin du XVIe siècle et ce ne fut véritablement qu’au début du XVIIe siècle que le chocolat est devenu peu à peu une « passion obsessionnelle » de la vie quotidienne espagnole.

« La pâte de cacao était utilisée pour soigner les plaies et les morsures de serpent, ajoute Mme Véchambre. L’Espagne garda jalousement le monopole de l’importation du cacao en Europe et le secret de la fabrication du chocolat. Mais, dès le milieu du XVIIe siècle, les Hollandais, puis les Anglais et les Français se mirent aussi à importer des fèves de cacao. Selon la légende, le cacao était un don des dieux reçu par Quetzalcoatl. Ce dieu vivait avec son peuple dans un coin de paradis, Tula. Évidemment, leur opulence fit des jaloux et les envahisseurs empoisonnèrent Quetzalcoatl. Il perdit la raison et disparut sur un radeau en pleine mer. Depuis ce jour, les Aztèques ont toujours cru que leur roi et dieu du cacao reviendrait un jour au Mexique… »

Quand, en 1519, Hernando Cortes débarque au Mexique, les Aztèques pensent d’abord qu’il s’agit de Quetzalcoatl. La première chose qu’ils font est donc de lui servir une boisson rouge, amère et épicée à base de cacao dans un gobelet d’or : le Xocoatl.

Cortes, venu chercher de l’or est un peu déçu mais il est plus avisé que son prédécesseur, Christophe Colomb. Lorsqu’il jette l’ancre non loin du Honduras, il se voit offrir des fèves de cacao. Mais il croit que ce sont des crottes de chèvre ou des amandes et les jette par-dessus bord. Ce n’est pas le cas de Cortes. Il réalise que le cacao ne manque pas de valeur, il fait part de sa découverte au roi Charles Quint et il aménage les premières plantations de cacaoyers pour obtenir de l’or.

Ce sont des moines présents au Mexique qui, aux alentours de 1520, vont mettre la recette du premier chocolat chaud au point. Au cacao ils ajoutent du sucre de canne, de la vanille et parfois du clou de girofle pour obtenir une boisson plus conforme aux goûts espagnols. C’est un succès. Les premières « chocolaterias » s’ouvrent au Mexique, on y déguste le chocolat mousseux. Puis le chocolat fait son entrée dans chaque pays européen par le journal de voyage de l’Italien Antonio Carletti qui dévoile, peu après 1606, la fabrication du chocolat. Et le succès est immédiat. Italie, Pays-Bas, Allemagne, Suisse… le chocolat enthousiasme partout, à commencer par les rois, les aristocrates et la noblesse. Sa qualité d’aphrodisiaque fera d’ailleurs sa bonne réputation. Et chaque pays adaptera ses recettes selon ses goûts nationaux.

« En France, c’est Anne d’Autriche qui amène la boisson à la Cour. David Chaillou sera, en 1659, le premier chocolatier de France. L’engouement est immédiat et un débat s’engage au sujet des propriétés thérapeutiques du chocolat. Très vite, on attribue au chocolat des vertus aphrodisiaques », conclut la chef et historienne. Avant de quitter, Mme Véchambre a servi aux membres de la SHT et leurs invités des fondants au chocolat, des truffes et autres pâtisseries qu’elle a concoctées pour l’occasion. Les participants n’ont pu visiter toutes les pièces de la maison historique Campbell puisqu’une nouvelle exposition est en montage ces jours-ci mais le gestionnaire du site leur a offert un bref aperçu de l’histoire des lieux.

Photo: Rolande Smith et la chef Chantal Véchambre