Le petit monde de la littérature torontoise s’est rassemblé comme chaque année pour l’ouverture de la 22e édition du Salon du livre de Toronto. Comme chaque année, depuis 12 ans, le prix Christine-Dumitriu-van-Saanen récompense l’excellence dans le milieu littéraire franco-ontarien. Au total, 3000 $ sont ainsi offerts conjointement par l’Association des auteurs et auteures de l’Ontario français et le Salon du livre de Toronto.
Le mercredi 3 décembre, c’est Racines de neige d’Andrée Christensen qui a remporté les suffrages des trois membres du jury. Un recueil de poèmes sur le thème original de l’hiver. Une centaine de pages de batailles contre l’hiver. L’hiver, qui prend les traits d’un homme qui a beaucoup vécu et qui accepte de mourir, avant de renaître. Afin de le rencontrer, d’aller vers cette rencontre à priori contre-nature, l’auteure a dû se livrer aux éléments, se laisser prendre pas l’hiver.
Ce recueil est complété d’illustrations, car Mme Christensen est une artiste multidisciplinaire. Elle ne se cantonne pas à la littérature. C’est également une artiste visuelle de premier plan. Dans son recueil, les illustrations font écho aux poèmes, dans un dialogue riche et fructueux.
Absente de Toronto, elle a demandé à son ami, l’écrivain Paul-François Sylvestre de récupérer le prix à sa place et de lire un mot de remerciement. Elle a également rendu hommage au choix courageux de sa maison d’édition, Les Éditions David, d’avoir publié de la poésie.
Ce soir-là, la procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur, a rendu un hommage aux livres et à Michaëlle Jean, récemment nommée au poste de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie. Elle a rappelé que Mme Jean habite à Ottawa et, qu’avec elle, « le monde apprend à nous connaître ». Elle a également rendu hommage au Salon du livre, « pierre angulaire de l’identité francophone ».
Le directeur du Salon du livre, Paul Savoie, a profité de son temps sur scène pour poser quelques questions existentielles sur le livre et le rôle des auteurs. « Beaucoup de mes amis ne lisent jamais. Chez eux, il n’y a pas de livres, a-t-il regretté, avant de rappeler que pour lui, l’existence du Salon rappelle la place centrale du livre dans le monde ».
Il a également évoqué le rapport changeant à l’écriture. Lorsqu’il a commencé sa carrière, c’est avec du papier et un crayon qu’il a écrit son premier ouvrage. Il a pu ainsi livrer ses premiers manuscrits aux archives du Manitoba (d’où il est originaire). Mais aujourd’hui, quand les auteurs écrivent sur ordinateur, que livreront ils aux archives?
Il a terminé sa courte allocution par une phrase clé : « Lire, c’est vivre. Se passer de la lecture, c’est vivre dans un monde vide. » À méditer.
À la fin de la cérémonie, Alain Baudot, auteur, professeure au Collège universitaire Glendon et président-fondateur des Éditions du Gref, a reçu un prix de reconnaissance du Salon du livre, prix qui vient récompenser un acteur de la vie francophone de Toronto. Avec une voix tremblante, visiblement ému, il a remercié le Salon et ses auteurs avant de lancer : « C’est bon de choquer! Ça rappelle aux gens qu’ils ne sont pas des objets à consommer. »
Photo : De gauche à droite : Paul Savoie, Alain Baudot et Valery Vlad