« Le Beaujolais nouveau, c’est le retour sur la langue des fruits rouges du printemps : framboise et groseille. Auxquels il faudrait ajouter cette année un petit goût de pêche de vigne. »

« Le Beaujolais nouveau, c’est l’irruption joyeuse, en plein mois des morts, que l’on pleure à la Toussaint, dont on honore la mémoire le 11 novembre, d’un nouveau-né. »

« Le Beaujolais nouveau est un vin modeste et joyeux apprécié surtout des hommes et des femmes joyeux et modestes, détesté des notables. »

« Le Beaujolais nouveau, c’est un joli petit vin rouge rubis aux arômes de verger de curé et de rocaille d’instituteur. »

Il faut absolument suivre Bernard Pivot sur Twitter. Il rend moins bête, en 140 caractères. C’est un luxe. Car le Beaujolais nouveau, c’est tout cela. Un petit vin populaire, qui rappe la langue et qui tape le front, mais dont le rubis divin a l’éclat du bonheur. Et qui revient tous les ans, le troisième jeudi de novembre.

Le « bojo » est un vin qui sautille, qui se boit sans chichis, mais avec grandiloquence. Avec péroraison et souvent avec panache. On aura beau en vendre des tonnes aux quatre coins du monde, plus de 40 millions de bouteilles, cette année, on aura beau voir ces photos de Japonaises se baignant dans le sang de la Terre (à Tokyo, le bojo est à la mode), il en reste cet immuable cérémonial : le lever du coude.

À Toronto, le Beaujolais nouveau est arrivé, sans se presser. Des milliers de bouteilles sont disponibles dans les succursales de la LCBO et les restaurants français. Si d’aventure le visiteur passait au bistro Lafayette, sur Queen vers 19 h 30, le jeudi 15 novembre, il pouvait voir que tout le monde se tenait à carreau. Le vin déliait à peine les langues, Bacchus se faisait attendre. Un micro était posé devant le bar. Il affichait sa silhouette déplumée en attendant que quelqu’un se tienne derrière. Un peu plus tard, l’ambiance s’était réchauffée. Cela chantait.

Si vous décidez de sauter le pas et de faire emplette d’une bouteille (ou de plusieurs), sachez qu’il faut le boire à une température comprise entre 12 et 13 degrés. Pour ce qui est de l’accompagnement, charcuterie, mais aussi poisson ou fruits de mer devraient faire l’affaire. Ce vin n’étant pas un vin de garde, il faut de toute façon le consommer dans les six mois. Et évitez les abus si vous conduisez. Dans tous les cas, bonne dégustation, et santé!

Photo : Jean-Pierre Boué, du bistro Lafayette.