Jean-François Gérard
« Toronto, est-ce que vous entendez ? » Après quelques soubresauts techniques, la connexion est établie entre Champigny-sur-Marne, la ville natale d’Étienne Brûlé en France, et le Canada. Le jeune explorateur est considéré comme l’un des découvreurs de l’Ontario en 1610. Même si plusieurs zones d’ombre, dont son âge et les raisons précises de son départ vers « la Nouvelle France », subsistent.
Les historiens des deux côtés de l’Atlantique sont excités. Ils s’apprêtent à dévoiler de nouvelles révélations sur son passé. « Et il y a des surprises », annonce depuis l’Hôtel de ville de Champigny, Danièle Caloz. La productrice suisse de documentaires est la cofondatrice de la Société d’histoire de Toronto (SHT) où elle a longtemps vécu. Amandine Lazzarini de la Société d’histoire de Champigny détaille les principales découvertes établies à partir de trois actes de vente notariaux, trouvés dans les archives locales et nationales françaises.
Ainsi, on apprend que, très jeune, Étienne Brûlé, vigneron comme ses parents, était propriétaire de terrains. Il a réalisé plusieurs ventes successives de vignes, notamment une datée du 19 juillet 1608 où il était physiquement présent. Ce qui rend impossible sa présence jusque-là supposée aux côtés de Samuel de Champlain, lorsque cet autre explorateur français fonde la ville de Québec le 3 juillet 1608 et relate que se tenait « un garçon » avec lui. La raison précise de ces transactions reste un mystère.
« Étienne Brûlé avait-il besoin de liquidités avant son voyage ou avait-il des dettes à rembourser ? », demande Amandine Lazzarini. En revanche, une autre vente en janvier 1610 tend à confirmer sa présence plus tard en 1610 lors de l’exploration de ce qui est devenu l’Ontario. Étienne Brûlé est alors nommément cité dans des écrits de Samuel de Champlain de 1618, qui parlent d’un compagnon de route « depuis huit ans ». Le mythe fondateur d’Étienne Brûlé, parfois affublé du titre de « premier Franco-Ontarien », reste intact.
Enfin, un autre document plus ancien démontre qu’il était marié à Alizon Coiffier dès 1604, et non 1626 comme établi jusqu’à présent. En visioconférence, plusieurs historiens en France et au Canada indiquent alors qu’ils vont devoir mettre à jour leurs écrits. « On pensait que c’était un personnage beaucoup plus modeste », réagit depuis Champigny une dame dans le public, visiblement familière avec les archives.
« Le dossier est loin d’être terminé », prédit Danièle Caloz qui voit dans le vigneron « un personnage de plus en plus intéressant ».
Les Sociétés d’histoire de Champigny et Toronto pourraient organiser un événement commun à Champigny en 2025 autour d’Étienne Brûlé, révèle Rolande Smith, membre du conseil d’administration de la SHT. Une fois la connexion interrompue après un peu plus d’une heure, les membres de la SHT échangent encore un peu de vive voix sur ces découvertes « passionnantes » avec la quinzaine de spectateurs dans l’auditorium de l’Alliance française.
Photo : Des historiens des deux côtés de l’Atlantique dévoilent de nouveaux faits sur Étienne Brûlé.