À peu près tout le monde a été affecté, d’une manière ou d’une autre, par la COVID-19. Pour certains, la pandémie ne s’est traduite que par quelques désagréments, dont le port du masque est sans doute l’exemple le plus évident. Pour d’autres, c’est leur gagne-pain et leur vie de famille qui ont souffert des bouleversements sociaux des derniers mois.
Puis, il y a ceux auxquels bien peu de gens pensent et que les politiques d’aide d’urgence des gouvernements ne rejoignent guère : les itinérants.
Au printemps dernier, alors que les mesures rigoureuses de confinement avaient vidé les rues et les trottoirs de Toronto, Daniel Lauzon, un résident d’Etobicoke, était allé prendre quelques photos du centre-ville par simple désir d’immortaliser cette situation inhabituelle. C’est alors qu’il s’est aperçu que la Ville reine n’était pas complètement désertée : les foules avaient disparu, mais les clochards, n’ayant nulle part où aller, demeuraient bien en évidence.
Sans personne à qui demander la charité, parfois réticents à se rendre dans les centres d’hébergement par crainte d’y contracter le coronavirus, ces sans-abri se trouvaient confrontés à des conditions encore plus difficiles qu’à l’ordinaire.
Ayant lui-même été itinérant il y a une vingtaine d’années à son arrivée à Toronto, Daniel Lauzon, originaire de Montréal, a été particulièrement touché par le sort de ces oubliés de la société. C’est pourquoi il a pris l’initiative de fonder Food for Now afin d’offrir une aide de base et un peu de chaleur humaine aux itinérants.
Il n’est pas seul à se dévouer à cette cause. « Ça a comme explosé, relate M. Lauzon. Une personne a parlé de ça sur la page Facebook de South Etobicoke Community Group et il y a eu une grosse réponse. » Spontanément, plusieurs résidents de ce secteur de la ville ont offert de la nourriture, des vêtements et autres articles. Trois restaurants ont aussi décidé de contribuer.
Puisque les contacts – règlements sanitaires obligent – doivent être limités, ce n’est pas tant dans la distribution auprès des sans-abri que M. Lauzon préfère avoir un coup de main que dans le tri des dons.
Ainsi, plutôt que d’offrir de gros sacs remplis de vêtements pêle-mêle, une famille devrait plutôt faire un tri entre les pantalons, les chandails, les manteaux, etc., et les classer par taille. Cela permet à plus de gens, même les plus jeunes, de collaborer à cette œuvre caritative tout en facilitant la tâche à Daniel Lauzon.
C’est lui, en effet, qui parcourt les rues pour rencontrer les itinérants, que ce soit au hasard ou en se rendant là où ils ont l’habitude de se regrouper. En plus de répondre à leurs besoins élémentaires, M. Lauzon essaie aussi de diversifier ce qui est donné à ceux qui n’ont pas de domicile fixe.
« Food for Now, ce n’est pas juste à propos de la nourriture : c’est aussi le confort », précise-t-il. Couvertures, souliers, coussins, etc. : il lui est même arrivé de donner des livres. « Ce sont des petites choses qu’ils ne s’attendent pas à avoir », explique ce travailleur autonome qui, alors que l’économie tourne au ralenti, peut consacrer beaucoup de temps à aider ces démunis au quotidien.
Mais être sans-abri, ce n’est pas seulement avoir faim et froid : c’est aussi vivre avec la solitude. « Ils ont besoin d’être écoutés », estime Daniel Lauzon. Les itinérants s’ouvrent davantage lorsqu’on prend l’initiative de leur parler : « J’essaie d’avoir une conversation avec eux parce qu’ils sont isolés à cause de la pandémie ».
Les besoins sont nombreux et le nombre d’itinérants ne diminue pas, bien au contraire. M. Lauzon ne sait pas jusqu’où le conduira son engagement, mais se doute bien qu’il ne pourra lui tourner le dos du jour au lendemain.
« J’ai commencé avec la COVID, mais c’est dur pour moi d’arrêter », dit-il.
Cela est d’autant plus vrai que Food for Now est maintenant une aventure collective qui s’appuie sur un réseau de donateurs.
De plus, bien que Daniel Lauzon se montre modeste, ce n’est pas sans connaître l’importance des gestes qu’il pose. Comme il l’explique lui-même, nul ne peut prévoir ce que seront ces mendiants dans dix ans. Il ne suffit parfois que de quelques mots d’encouragement, quelques gestes bienveillants pour donner une raison de s’en sortir à quelqu’un qui deviendra ensuite un citoyen en mesure de contribuer à son tour à la société.
Pour ceux qui voudraient faire un don à Food for Now ou obtenir plus d’information, il suffit de visiter le site web foodfornow.ca.
PHOTO – Daniel Lauzon au cours d’une distribution à l’un des campements d’itinérants