Richard Caumartin
Directrice générale depuis le 1er octobre 2010, Dada Gasirabo a commencé son parcours à Oasis Centre des femmes beaucoup plus tôt dans sa vie. Elle a commencé son œuvre avec l’organisme à l’été 1997.
« Je venais d’arriver à Toronto comme réfugiée cette année-là et j’habitais dans une maison d’hébergement. Kathryn Penwill, qui était directrice d’Oasis à cette époque, avait une stagiaire qui visitait les endroits comme le nôtre pour parler des services en français et c’est là qu’une employée de la maison m’a dit qu’il y avait des femmes qui parlaient français. J’avais passé deux mois sans parler français. C’est à partir de ce moment que je ne me suis plus jamais séparée d’Oasis », raconte Dada Gasirabo.
Elle a donc rejoint l’organisme par le groupe Courage Action Femmes qui est maintenant devenu le programme Action Femmes. C’était un groupe qui avait été lancé par le Centre médico-social (Centre francophone de Toronto) et Oasis Centre des femmes. Il s’agissait d’un groupe de soutien pour les femmes nouvellement arrivées.
« J’ai été recrutée pour ce groupe et plus tard, pour l’animer parce que de carrière, j’étais travailleuse sociale et j’avais de l’expérience, poursuit-elle. Kathryn m’a ensuite embauchée pour gérer le programme Femmes immigrantes et réfugiées. Puis, je suis retournée au Centre francophone pour commencer le Programme d’intégration dans les écoles francophones parce qu’Oasis n’avait pas de bonnes conditions de travail à cette époque. Lorsque la directrice générale Tatjana Sekulic a eu une augmentation de fonds et mis en place de meilleures conditions et avantages sociaux, je suis revenue à Oasis. »
Elle a œuvré comme intervenante en appui transitoire pendant quelques années avant de prendre une année sabbatique chez Oasis pour lancer la campagne Voisin-es, ami-es et familles d’Action ontarienne.
« Pendant cette période, je travaillais souvent dans les maisons d’hébergement anglophones et je voyais comment les femmes francophones souffraient. Finalement, grâce au soutien de la ministre Madeleine Meilleur qui nous a accordé les fonds nécessaires en février 2010, nous avons obtenu le financement pour ouvrir La Maison d’hébergement pour femmes francophones de Toronto. J’étais toujours à Oasis lorsque c’est arrivé et j’ai été nommée directrice générale à l’automne de cette même année », confie Mme Gasirabo.
Un long parcours parsemé d’expériences très utiles qui l’ont ancrée chez Oasis. Quand elle a pris les rênes du Centre des femmes, l’association traversait une petite tempête administrative.
« Lorsque le conseil d’administration m’a embauchée, les administrateurs étaient soulagés de pouvoir compter sur quelqu’un qui connaissait bien l’organisme. Celle qui m’a précédée venait du Manitoba et ne connaissait pas bien la région de Toronto. À mes débuts, il y avait neuf postes vacants chez Oasis et plusieurs étaient stressées par les problèmes et défis qu’elles ont dû affronter dans le passé. Je devais donc ramasser tout cela. La situation était tendue et Oasis n’avait jamais connu une transition aussi mouvementée que celle-là. Il n’y avait pas de direction générale pour assurer la transition et que quatre femmes bénévoles au CA car tous les administrateurs avaient démissionné, sauf une personne, le jour où ils m’ont engagée. J’étais celle qui allait prendre tous les coups et ramener l’organisme à l’équilibre. C’était cela mon grand défi », admet la directrice générale.
Les administrateurs et Dada Gasirabo ont dû être très créatifs et, en moins de trois mois, ils ont comblé les postes. L’équilibre est revenu graduellement. « Quand les femmes se mettent à travailler ensemble, il n’y a rien qui les arrête », ajoute-t-elle fièrement.
Depuis presque 15 ans maintenant, Dada Gasirabo a mis en place plusieurs autres services et initiatives dont le renforcement de la sécurité économique des femmes et plusieurs recherches pour impliquer les victimes et les survivantes dans leur programmation.
« À ce moment-là, les femmes immigrantes ne trouvaient pas du travail facilement alors qu’elles arrivaient avec des diplômes et des expériences. Nous avons démontré qu’elles avaient beaucoup de potentiel et que chacune apportait quelque chose à la communauté. Nous avons aussi fait une autre étude sur les besoins des femmes victimes d’agressions sexuelles en conflit armé et nous avons créé pour cela un guide à l’intention des intervenants et professionnels pour mieux aider ces femmes », rappelle Mme Gasirabo.
Les nouveaux programmes de soutien à la Cour des familles et de lutte contre la traite des personnes ont suivi sous sa gouverne, et l’initiative des hommes alliés qui a pris son air d’aller depuis quelques années pour sensibiliser le public en général, mais surtout les hommes qui n’osent pas parler de ces problèmes.
« Nous avons créé de nombreux liens dans la communauté et Oasis est maintenant incontournable. Récemment, nous avons obtenu de nouveaux financements pour introduire des programmes d’employabilité pour les femmes francophones dans la région de Peel. Nous venons de recevoir aussi, dans le cadre du programme du plan national d’action contre la violence basée sur le genre, un fonds pour stabiliser et structurer le programme des hommes alliés. Une recherche sera effectuée pour voir comment les hommes pourraient mieux s’engager », confirme-t-elle.
Une des fiertés de la directrice générale a été de faire connaître les services offerts en français aux anglophones. Elle considère que le plus grand jalon, la plus grande réussite d’Oasis a été la mise en place de La Maison d’hébergement par et pour les femmes francophones.
Le 1er octobre prochain, Mme Gasirabo prendra sa retraite. Pour elle, la route a été parsemée de défis mais aussi de belles réussites. « Lorsque j’ai fait la connaissance d’Oasis, je me suis sentie comme si j’arrivais chez moi, admet-elle. C’est la première belle image que je retiens d’Oasis. La deuxième est d’avoir trouvé au sein de l’organisme des femmes extraordinaires comme Kathryn Penwill, Jeanne-Françoise Moué, Elisabeth Larsen, Ghislaine Sirois et d’appartenir à une communauté de femmes. Puis la troisième image, j’ai été très marquée par le fait d’avoir acquis La Maison d’hébergement et je suis contente d’avoir été derrière cette belle initiative. »
Oasis a influencé la vie de Dada Gasirabo qui y a passé 28 années. Mais le passage de cette femme a aussi beaucoup enrichi cet organisme par son influence, ses efforts, sa détermination et sa compassion. Elle est grandement responsable du fait qu’Oasis puisse célébrer trois décennies de services et d’amour pour les femmes francophones du Grand Toronto. Au début, il n’y avait que 3 employées dans le sous-sol du Centre francophone sur la rue College et aujourd’hui, 19 employées à plein temps et une dizaine d’agentes contractuelles travaillent pour l’organisme.
Mme Gasirabo a confié au Métropolitain qu’après sa retraite, elle restera active et au service de cette communauté à qui elle doit énormément, mais à qui elle a beaucoup donné également. Elle espère rester une influence positive pour les femmes francophones de la région. Bonne retraite Dada!
Photo (Le Métropolitain) : Dada Gasirabo au début de sa carrière de directrice d’Oasis en 2012