Vous les avez probablement déjà croisés sur la piste cyclable le long du lac à Toronto. Ces cyclistes projettent une image insolite, allongés sur leurs vélos avec les jambes à l’horizontale. N’allez pas croire par-là que vous avez affaire à quelques marginaux qui veulent tout simplement faire les drôles. Détrompez-vous. Ces utilisateurs de vélos couchés, car c’est ainsi qu’on appelle ces curieuses petites machines, sont en fait très sérieux et passionnés.
C’est au début du siècle dernier qu’un Français inventa le concept du vélo couché. Dès ses balbutiements, ce genre de bicyclette s’avéra non seulement plus confortable mais aussi plus rapide que sa consœur, la bicyclette traditionnelle. En 1933, un cycliste français battit le record de l’heure (plus grande distance parcourue en une heure) sur un vélo couché. Son succès fit des jaloux puisque l’Union cycliste internationale (UCI) le bannit dans les courses cyclistes en 1934. Cette interdiction est d’ailleurs toujours en vigueur aujourd’hui. En 2009, le record de vitesse sur une bicyclette fut établi avec un vélo couché (plus de 130 km/h).
En comparaison à une bicyclette classique, le vélo couché tient le haut du pavé sur plusieurs points. La position couchée et basse du cycliste offre moins de résistance à l’air et au vent. Ceci explique pourquoi un vélo couché est souvent plus rapide dans une descente ou sur le plat. Par contre, le vélo couché est moins performant dans les côtes abruptes car il ne permet pas au cycliste d’utiliser tout son poids en « montant sur les pédales ». Il n’est donc pas question de gagner le Tour de France à vélo couché!
La position allongée offerte par le vélo couché est aussi beaucoup plus confortable. Le poids du cycliste et les chocs sont répartis sur une plus grande surface, à savoir non seulement le postérieur comme sur un vélo normal mais aussi sur tout le long du dos.
« Je me suis mis à rouler sur un vélo couché car j’avais mal au dos et aux épaules sur un vélo traditionnel », confie Willy Wong, un féru de vélo couché depuis environ sept ans.
Ce même avis est partagé par Tom Polarbear, fondateur du club Iron Horse CC. Ce groupe fait la promotion des vélos couchés et des Chopper et Cruiser, bicyclettes avec de longs guidons à l’instar des motos que l’on voit dans les films américains, en organisant des sorties dominicales dans la région torontoise. Carey Chen, un autre afficionado qui peut se vanter d’avoir construit une trentaine de vélos couchés, estime que ce genre de vélo devient avantageux sur une longue distance, comme sur un parcours supérieur à 50 km. Mieux vaut s’en tenir cependant au un vélo ordinaire pour aller acheter le journal ou un litre de lait! C’est plus pratique et aussi plus sécuritaire car la position basse du cycliste peut le rendre difficilement visible dans la circulation dense du centre-ville.
« Aujourd’hui, la part du marché occupé par le vélo couché se limite à 1 % ou 2 % », affirme William Martinen, propriétaire du magasin de vélo West Side Cycle dans l’ouest de la ville. C’est pour cette raison qu’il ne vend désormais plus de vélo couché mais qu’il garde des cruisers et des choppers dans son inventaire. D’après ses observations, les clients choisissent ce genre de vélo pour son aspect et la culture qui s’y rattache. Le vélo couché est plus en vogue dans les pays de l’Europe du Nord et aux États-Unis qu’au Canada.
On peut se procurer un vélo couché d’occasion ou bien neuf en l’achetant en ligne. Le prix peut décourager l’acheteur. Il faut en effet compter dépenser entre 1000 $ et 10 000 $.
Un modèle haut de gamme comme celui que possède Willy Wong est une véritable merveille de technologie et d’esthétique. Avec un cadre construit en titane et des manivelles conçues pour éviter tout temps mort dans le pédalage, Willy Wong s’entraîne de pied ferme pour un périple de 200 km qui le mènera de Toronto aux chutes du Niagara en juin prochain. Les fonds amassés durant cet événement, connu sous le nom The Ride to Conquer Cancer, seront ensuite reversés à la recherche sur le cancer.
« Chaque année depuis sept ans, je suis le seul qui le fait en vélo couché », fait remarquer Willy Wong.
N’allez cependant pas croire que l’épreuve est plus facile pour lui parce qu’il est allongé sur son vélo. Pédaler sur une distance de 200 km demeure éprouvant, même assis dans un fauteuil!
Photo : Tom Polarbear sur son vélo couché à Dundas Square.