Tout a commencé lorsqu’il a fallu abattre un érable norvégien malade dans le jardin d’Andreas Krätschmer à Picton dans le comté de Prince-Édouard. Le début d’un processus collaboratif « qui a permis en quelque sorte de faire le deuil », raconte le sculpteur allemand et « francophile » par l’entremise de sa mère française.
Andreas Krätschmer a ainsi entamé pour la première fois un travail avec le poète Paul Ruban et l’artiste torontoise Tania Love, adepte notamment du dessin, ainsi que du travail de matériaux et sur textile en connexion avec la nature.
La quinzaine d’œuvres issues de cette collaboration pluridisciplinaire est présentée jusqu’au 28 janvier à la galerie Abbozzo au 401, rue Richmond Ouest dans le cadre du festival Design TO.
Paul Ruban, francophone de Winnipeg, a quant à lui retranscrit les émotions autour de cette relation complexe entre les humains et la nature par le biais de six courts poèmes en français imprimés, parfois légers, parfois plus spirituels. Malgré la collaboration, les œuvres sont signées individuellement.
« Personne n’a dit à l’autre quoi faire, mais on s’inspirait mutuellement et chaque œuvre débouchait ensuite une idée suivante. On se voyait environ tous les deux mois, souvent par visio entre la pandémie et la distance de chacun », se souvient Andreas Krätschmer. L’ensemble de la démarche a duré environ un an et demi.
« Cette rencontre m’a fait réaliser des œuvres auxquelles je n’aurais jamais pensé par moi-même », estime Tania Love, anglophone mais également « francophile ». Exemple : « Je suis allée faire du charbon avec Andreas dans son jardin », se souvient-elle dans un français excellent. Le charbon se retrouve dans une sculpture ou dans les teintes des dessins au crayon graphite.
Lors de son séjour à Picton, une autre œuvre a émergé avec un dessin à l’encre naturelle réalisé avec les feuilles de l’arbre, une évocation du tronc scié.
Andreas Krätschmera a de son côté taillé des bols de différentes tailles, évoquant la croissance successive de l’érable. L’ensemble pose un regard compatissant sur cet arbre coupé de sa famille et de son milieu naturel. La création de Mémoire a été soutenue par le Conseil des arts du Canada.
Après Design Toronto, les trois artistes aimeraient continuer d’exposer Mémoire dans un espace plus volumineux, à la dimension de l’arbre défunt. Les différentes pièces créées sont à vendre individuellement. « On a encore quelques idées », glisse Andreas Krätschmer s’il fallait recompléter la collection après quelques acquisitions. Même si la matière première, le bois de l’arbre, commence à s’amenuiser. Dans son jardin, l’artiste n’a pas replanté d’arbre, mais se satisfait de son nouveau potager.
Photo : Andreas Krätschmer et Tania Love