Parmi les musées canadiens, le Musée royal de l’Ontario (ROM) possède la plus grande collection d’objets, six millions pour être précis. Impossible bien entendu de les montrer tous au grand jour. Un nombre impressionnant de ces objets venus d’anciennes civilisations ou de spécimens naturels restent donc à l’abri des regards sur les six étages souterrains que comprend le musée. À l’occasion de son centenaire, le ROM avait souhaité inviter le public pendant deux jours à une visite de ses entrailles, là où les momies égyptiennes côtoient allègrement des épées récupérées en Iran et des os d’oiseaux coureurs de l’hémisphère sud.
« Nous voulions partager les limites de la connaissance avec nos fidèles visiteurs », déclarait Dominique Picouet, responsable des services de traduction au ROM.
À certains égards, la visite des coulisses est tout aussi intéressante que ce qui présenté à l’air libre.
Découvrir de fabuleuses civilisations
Il suffisait de suivre les flèches tracées sur le sol pour partir à la découverte de ces fabuleuses civilisations qu’étaient l’Égypte ancienne, la Chine ou le sous-continent indien. Comment ne pas être surpris par l’immensité de cette collection de chevaux et de chameaux qui remontent à la dynastie des Tang ou bien la légèreté de ce bouclier en cuir venu tout droit du sud de l’Asie? Des tiroirs entiers d’épées, de poignards et de sabres rapportés par Lord Kitchener lors de sa campagne au Soudan témoignent du fait que de tout temps les hommes ont aimé collectionner les armes. Deux momies égyptiennes gisent l’une à côté de l’autre.
« J’ai su tout de suite qu’il s’agissait d’une momie de femmes », déclare l’archéologue Robert Mason. Or cette même momie se trouvait pourtant dans un sarcophage d’homme en arrivant au ROM…
Restaurer des peintures
En venant jusqu’à nous, le portrait de Lady Walker a subi les vicissitudes du temps. Des ondulations commencent à apparaître, la peinture s’écaille à certains endroits et la poussière s’incruste dans d’autres. Il revient donc à la restauratrice Heidi Sobol de lui redonner sa splendeur d’autrefois. À l’aide d’une panoplie de solutions très diluées, elle fera disparaître toutes les impuretés à la surface de la toile de jute. Pour la consolider, une autre toile sera appliquée à l’arrière. Processus risqué et laborieux qui requiert une très grande expertise.
Pénétrer dans les coulisses du musée
En entrant dans les ateliers d’histoire naturelle, on avait véritablement la sensation d’entrer dans les coulisses du musée. Des 10 000 espèces d’oiseaux qui existent sur terre, le ROM en possède pas moins de 7000 spécimens différents. Si le musée peut aussi se vanter de détenir un bon nombre d’espèces d’oiseaux disparus, une bonne partie de la collection provient également d’oiseaux qui ont péri en heurtant les grandes tours du centre-ville. Une fois livrés au musée, les oiseaux sont vidés de leurs entrailles puis garnis avec du coton. Cette collection de 140 000 oiseaux constitue une ressource inestimable pour les artistes qui souhaitent les dessiner ou bien pour les chercheurs en quête d’ADN.
Percer le mystère de la vie
En prélevant de minuscules morceaux d’ADN d’os d’oiseaux coureurs de l’hémisphère sud, puis en les reproduisant à des milliers d’exemplaires, l’équipe d’Oliver Haddrath et d’Allan Baker tente de reconstruire une partie de l’arbre de vie qui soupente notre univers. Sera-t-on ainsi capable de faire revenir sur terre le moa, un oiseau géant de Nouvelle-Zélande aujourd’hui disparu? Ce genre de travail en laboratoire permet aussi de résoudre des mystères de toute autre sorte, comme ce fut le cas pour cet os de baleine mis à jour dans le port de Toronto. Une étude de l’ADN révéla qu’il s’agissait en fait d’un os d’orque de l’Atlantique Nord, sans doute égaré par un collectionneur maladroit.
En visitant ses coulisses, on avait un peu la sensation d’assister au tournage d’un film, au « making of » du ROM.
Pour plus de renseignements sur l’exposition : http://www.rom.on.ca/fr. Des guides offrent des visites du ROM en français tous les jours à 14 h (sauf le mardi).
Photo : Oliver Haddrath (à gauche) tenant un os d’orque et Allan Baker avec un os de moa géant. À l’arrière-plan, un séquenceur d’ADN.