L’auteure très primée, Maylis de Kerangal, était l’invitée d’honneur d’une discussion animée par Janine Messadié à l’Alliance française de Toronto le vendredi 24 octobre. Véritable phénomène littéraire, Maylis de Kerangal réinvente l’épopée humaniste et « l’œuvre collective » avec ses deux romans Naissance d’un pont et Réparer les vivants qu’elle a présentés ce soir-là. À la fois sensible et passionnée, cette écrivaine pleine d’avenir a dévoilé ses secrets de rédaction et emmené les spectateurs dans les coulisses de ses livres à succès.
Maylis de Kerangal naît à Toulon et grandit au Havre, avant de s’installer à Paris pour y faire des études de sociologie. Elle explique que son parcours « n’est pas vraiment calqué sur le régime français de la vocation ». Grande lectrice, l’écriture lui vient naturellement et elle confie « qu’écrire, c’est d’abord un espace-temps : c’est ralentir le temps, le déplier, l’étirer ».
L’auteure a un style contemporain, social et humaniste. Elle contourne les difficultés de la narrativité grâce à un processus particulier : « J’ai une écriture qui a un régime très simple, un régime de description ». Pour ce faire, elle se nourrit de documentation, si bien que pour Réparer les vivants, livre qui suit la greffe d’un cœur, elle va même jusqu’à assister à une opération de greffe de cœur. Du bout de sa plume, elle crée des « enquêtes documentaires qui se tissent dans l’écriture romanesque », et souhaite faire de ses textes une expérience de langage. Son secret? Parler avec les lecteurs, s’imprégner de leurs commentaires et, lorsqu’elle finit un passage, le relire à voix haute.
Naissance d’un pont raconte la construction d’un pont suspendu dans la ville imaginaire de Coca, en Californie. Ce best-seller, un « western à l’américaine », met en exergue des histoires croisées : de la construction du pont, à la logistique, aux relations entre les habitants et le maire de la ville. Pour ce livre qui relève de l’épopée contemporaine, elle s’inspire de ses voyages aux États-Unis et surtout du Golden Gate Bridge à San Francisco qui est pour elle « le pont des ponts ».
Avec Réparer les vivants, Maylis de Kerangal voulait créer quelque chose de différent, mais a finalement réalisé sans le vouloir une œuvre très semblable à Naissance d’un pont. Alors qu’elle était en deuil, elle a décidé d’orienter ce roman autour du cœur, sujet qui la touche profondément. Le livre raconte l’histoire d’un jeune surfeur qui décède dans un accident de voiture et dont le cœur encore viable sera conservé pour une greffe. Ce dernier ouvrage traite de ce sujet avec beaucoup d’émotions, en mêlant plusieurs histoires : celle de la famille dévastée qui perd un fils, le monde médical et l’environnement de ceux qui bénéficient de la greffe.
Il n’y a pas vraiment de personnages qui prennent le dessus dans ses livres, et l’auteure explique que cela résout le problème de sa propre désignation, car elle aime l’idée de se cacher dans son livre en fracturant plusieurs personnages. Couronnée de nombreux prix dont le prix Médicis de 2010 pour Naissance d’un pont et le Grand prix RTL-Lire 2014, Maylis de Kerangal n’a pas fini de surprendre par son écriture humaine qui accroche immanquablement le lecteur. Fort de son succès, le livre Naissance d’un pont est désormais disponible en anglais (Birth of a bridge), et un film est en cours de réalisation.