Jour J – 390 pour les Jeux panaméricains de Toronto. Ça devrait se jouer entre eux et un autre équipage, à moins qu’un troisième larron ne vienne jouer les trouble-fêtes. On ne connaîtra qu’en mai prochain le nom du seul et unique équipage qui défendra les couleurs du Canada, mais Nicolas et Laurence Liebel s’entraînent d’arrache-pied pour se qualifier dans la catégorie Hobby 16.
Rien ne semble pouvoir arrêter ce couple dans leur quête, pas même les aléas de la compétition. Ce matin-là, ils entament leur deuxième journée de régate, non pas à bord de leur catamaran habituel, mais avec celui d’un autre compétiteur. Leur Hobby 16 restera sur la plage aujourd’hui, car un des deux flotteurs qui constituent la coque a été troué lors d’une collision le jour d’avant. Après huit heures de réparation terminées à la lumière d’un téléphone portable, la couche synthétique n’est pas encore assez sèche pour naviguer. Qu’importe, l’autre plaisancier avec qui ils sont entrés en collision va leur prêter son bateau pour les deux ou trois manches qui restent à faire cet après-midi. Le monde du Hobby 16 est comme ça, intense, mais aussi franchement collégial.
Le couple de Franco-Ontariens n’en est pas à une embûche près. Il y a deux ans, Nicolas tombait malade. Après un an de chimiothérapie, il se remettait en selle à la grande surprise de son médecin. Objectif : les championnats du monde qui se sont déroulés en février dernier en Australie. Remonter la pente s’avéra non seulement une épreuve physique, mais aussi morale.
« C’est là que tu te rends compte de ses limites. Le traitement exacerbe ta sensibilité et tu deviens beaucoup plus émotif », confie-t-il.
Il éprouvera des passes difficiles, comme lors de ce chavirement lors d’une course à Porto Rico en décembre dernier, avant de se rendre finalement aux mondiaux dans l’hémisphère sud. On se sent sûrement moins seul quand on vit cette épreuve en couple. L’autre vous remonte le moral.
Inutile de leur demander ce qu’ils vont faire cet été durant leurs moments de loisir. Laurence consulte son agenda et égrène la liste des régates auxquelles ils vont prendre part jusqu’en octobre prochain : Mississauga, Barcelone, le New Jersey, le Delaware, sans oublier un galop d’essai sur le parcours des Jeux de Toronto. Pas question de remiser le bateau durant les mois d’hiver, le couple se rendra de nouveau à Porto Rico. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, ils ont engagé un ancien membre de l’équipe canadienne pour leur donner des conseils durant leurs entraînements. Pas facile de jongler tout cela tout en menant une vie de famille et une carrière professionnelle.
Aujourd’hui, Laurence espère bien ne pas avoir à essayer de colmater la brèche dans son bateau avec son bonnet de laine, comme elle dût le faire quelques heures plus tôt. La journée s’annonce propice à la voile, bien que le mercure peine encore à grimper. Il fait un soleil radieux et une bonne petite brise souffle de l’est. Nicolas et Laurence hissent les voiles et enfilent leur combinaison étanche avant de prendre le large. Cap sur les îles de Toronto et par la même occasion sur les Jeux. On leur souhaite bon vent avant de les revoir un peu plus tard dans la saison!
Photo : Laurence et Nicolas Libel