Les chiffres nous font froid dans le dos. Au Canada, une femme sur trois s’est fait agresser au moins une fois dans sa vie. Une femme est tuée par son partenaire tous les six jours. À Toronto, le Service de la police a recensé 20 000 incidents domestiques en 2012, altercations qui ont mené à la mise en accusation de 4500 hommes. En comparaison, un peu moins de 800 femmes ont été poursuivies. À la vue de ces statistiques, on comprend alors mieux l’ampleur du problème et l’importance du rôle que jouent les organismes tels que Fem’Aide, la ligne téléphonique confidentielle de soutien et d’écoute aux femmes francophones. Cet organisme avait récemment tenu à marquer son huitième anniversaire.
« C’est pourtant un bon gars. Il ne boit pas, il ne fume pas, il ne court pas après les autres femmes. Il faut faire des efforts, ma fille », insiste le père en s’adressant à la jeune femme venue se réfugier chez ses parents. Celle-ci ne dit mot. Elle attend d’être seule avec sa mère pour parler de ce qui se passe réellement. Elle subit en fait des agressions sexuelles de la part de son conjoint. C’est alors que sa mère révèle qu’elle aussi se trouve dans la même situation depuis des années.
Elle est seule comme la plupart des soirs. Elle s’est enfin résolue à appeler la ligne. Son mari ne la laisse pas sortir de la maison non accompagnée. Il menace de ne pas parrainer sa demande d’immigration au Canada si elle ne se plie pas à sa volonté. Elle se sent isolée et abandonnée.
Conscientes du courage que cela prend pour appeler, les intervenantes de Fem’Aide passent tout d’abord beaucoup de temps à écouter ces femmes. La victime va parfois parler d’un petit incident qui peut paraître anodin, mais celui-ci cache en fait un mal bien plus profond. La règle d’or est de ne pas briser la confidentialité et surtout de ne pas porter de jugement. Seules des personnes hautement qualifiées peuvent faire preuve d’autant de discernement et de tact.
« Fem’Aide est un enfant de 8 ans qui fut en gestation très longtemps avant sa naissance », explique Dada Gasirabo, la directrice générale d’Oasis centre des femmes, l’organisme auquel est rattaché Fem’Aide. Dans les années 1980, les femmes francophones devaient faire appel à des bénévoles pour obtenir de l’aide. C’est avec l’avènement de la Loi sur les services en français en Ontario que Fem’Aide s’est mis en place en conjonction avec La Maison d’amitié à Ottawa et La Maison Victoria pour les femmes à Sudbury. Ces trois services couvrent non seulement le territoire de l’Ontario, mais travaillent également « en cascade ». Si une femme de la région de l’Est appelle, elle peut tout aussi bien entrer en communication avec une intervenante de Toronto si la ligne est occupée à Ottawa.
Il arrive que Fem’Aide ne suffise pas. Tina-Louise Trépanier, l’agente de liaison francophone du Service de la police de Toronto, a rappelé qu’en situation de danger la victime doit composer le 911. Ce service d’urgence sera capable de répondre en français et d’intervenir.
Les proches de la victime ou tous ceux qui sont témoins qu’une femme est en train de subir des agressions sexuelles se doivent de rapporter les faits. Les hommes eux aussi font partie de la solution au problème.
« La communauté s’enrichit chaque fois qu’une femme arrive à sortir du cycle de la violence », a souligné Dada Gasirabo.
Beaucoup de chemin parcouru quand même en huit ans.
Pour rejoindre Fem’Aide : 1 877 336 2433 ou 1 866 860 7082 (pour un appel ATS). Pour plus d’information au sujet d’Oasis centre des femmes : www.oasisfemmes.org.
Photo : Dada Gasirabo (à gauche) et Tina-Louise Trépanier