À travers un court-métrage contemplatif créé pour une compétition nationale, Cynthia-Laure Etom propose une réflexion sur la transmission et la création. Son œuvre réunit trois artistes dont les gestes, les couleurs et les récits exposent la force de la mémoire et des liens invisibles qui nous unissent.
Chrismène Dorme – IJL Le Métropolitain
Sélectionnée pour représenter l’Ontario à La Course des régions pancanadienne 2025, Cynthia-Laure Etom, réalisatrice, scénariste, photographe et commissaire indépendante signe avec Fragments de mémoire un court-métrage d’une grande sensibilité. Cette compétition nationale, qui met en lumière les cinéastes émergents francophones à travers le pays, offre à la réalisatrice l’occasion de poser un regard poétique et engagé sur les liens entre mémoire, création et héritage.
À mi-chemin entre le documentaire et le film poétique, Fragments de mémoire raconte comment la mémoire se transmet autrement que par les mots, à travers la couleur, la matière et le mouvement. Le film suit trois artistes : Diane Montreuil, Moses Salihou et Nina Okens, unis par le même désir de faire vivre leurs histoires à travers l’art.
Pour Cynthia-Laure Etom, tout est parti de la thématique imposée par La Course, mettre l’accent sur les aînés. « Le point de départ était d’aller au-delà des stéréotypes. On parle souvent de sagesse ou d’expérience, mais je voulais montrer qu’il existe une richesse vivante, une mémoire active qui continue à nourrir le présent », dit-elle.
Le premier titre du film – Les choses qu’on n’a pas dites – traduisait déjà cette idée d’intimité et de non-dit. Rapidement, la réalisatrice choisit d’explorer la mémoire collective à travers la création : « Diane, Nina et Moses ont chacun trouvé une manière de créer des ponts entre les générations et les cultures. Ce lien, c’est la transmission et l’identité. J’ai voulu prolonger cette émotion à travers un dialogue avec les aînés, sur la façon dont l’art garde vivante la mémoire ».
Diane Montreuil peint la mémoire ancestrale. Ses gestes prolongent ceux de ses ancêtres, ses motifs racontent les récits, la sagesse et les saisons vécues. Moses Salihou, pour sa part, explore la mémoire à travers son histoire et ses origines, où les couleurs deviennent des visages. Enfin, Nina Okens découpe la ville pour révéler ses souvenirs cachés, transformant les « passes » de métro en cartes sensibles du bonheur.
La production évoque les liens entre générations, cultures et identités, et rappelle que certaines choses se transmettent sans paroles.
Pour Mme Etom, la démarche artistique dépasse l’expression individuelle. « L’art n’existe pas seulement pour exprimer l’individualité, mais pour créer un lien, affirme-t-elle. Dans Fragments de mémoire, la création devient un espace de rencontre. Les histoires personnelles résonnent avec celles des autres. La mémoire collective, c’est une manière de réparer et de construire ensemble. »
Représenter l’Ontario français dans une compétition pancanadienne est un défi en soi. « Être en communauté minoritaire, c’est parfois plus difficile pour constituer des équipes ou trouver des acteurs, confie Mme Etom. Mais c’était une belle expérience et une grande fierté. C’est mon premier film professionnel. »
À la suite de Fragments de mémoire, Cynthia-Laure Etom souhaite prolonger l’exploration de la mémoire et de la communauté sous d’autres formes. « J’ai encore beaucoup de matière issue des entrevues. Peut-être un balado, peut-être un long métrage. Ce qui m’intéresse, c’est de continuer à donner voix à ceux que l’on n’entend pas souvent, mais sous d’autres formes », précise-t-elle.
Au-delà de la compétition, cette sélection marque la reconnaissance d’une vision singulière, ancrée dans la francophonie ontarienne, mais ouverte sur le monde. En tissant les voix et les gestes de ses trois artistes, ce court-métrage révèle comment l’art peut relier les cultures, raviver les récits oubliés et maintenir vivante la flamme du souvenir.
Les films de l’édition 2025 seront présentés le 29 novembre, avant la remise des prix. Pour la réalisatrice, cette sélection marque bien plus qu’une étape.
« Cela fait plusieurs années que je souhaite réaliser un documentaire. Rêver, c’est déjà tracer le chemin. Avancer, même à petits pas, c’est garder la lumière allumée. Un jour ou l’autre, l’opportunité se présentera et elle reconnaîtra celles et ceux qui n’ont pas cessé d’y croire », conclut Cynthia-Laure Etom.
Photo : Cynthia-Laure Etom (Crédit : Laetitia Vong)





