Alexia Grousson

La traite des personnes demeure une menace croissante au Canada, en particulier dans le sud-ouest de l’Ontario. Depuis 2020, le 22 février est consacré à la Journée nationale de sensibilisation à l’exploitation des êtres humains, une initiative visant à informer le public, à fournir des ressources et à soutenir les victimes.

Pour marquer cette cinquième édition, Oasis Centre des femmes a organisé, le 20 février à Toronto, un forum communautaire consacré à la lutte contre cette forme d’exploitation. « La traite des personnes à des fins sexuelles est un enjeu nouveau pour les francophones, car certaines communautés n’y sont pas forcément exposées avant d’arriver au Canada », explique Dada Gasirabo, directrice générale d’Oasis Centre des femmes.

Cinq spécialistes ont pris part à la discussion. Sarah Rogers, directrice générale des services des victimes de Peel, a rappelé que son organisme intervient chaque année auprès d’environ 9500 survivantes, offrant un soutien émotionnel, une aide concrète et un accompagnement personnalisé. « Les environs de l’aéroport Pearson de Toronto constituent une zone à haut risque, les femmes immigrantes étant particulièrement vulnérables aux trafiquants », ajoute Mme Gasirabo.

Viveka Melki, consultante en médias pour la sécurité publique du Canada, a présenté son documentaire La Plaque tournante, qui suit deux policières engagées dans la lutte contre le proxénétisme au Québec. Après la projection, une série de questions-réponses a permis d’approfondir le sujet.

Carline Zamar, directrice générale du Mouvement ontarien des femmes immigrantes francophones, a mis l’accent sur la précarité économique comme facteur aggravant.

« Beaucoup d’immigrantes viennent pour des raisons économiques et sont vulnérables aux fausses promesses. Il faut les éduquer sur la réalité et renforcer leur autonomie financière », plaide la directrice générale d’Oasis.

Un moment marquant du forum a été le témoignage de Clare Gallagher, survivante de l’exploitation sexuelle et de violences conjugales.

« Elle pensait fuir une relation toxique, mais s’est retrouvée prise au piège du trafic humain pendant plusieurs années. Aujourd’hui, elle sensibilise le public sur ce fléau », relate Mme Gasirabo. Son histoire, poignante et inspirante, a mis en lumière la difficulté pour les victimes de s’extirper de cette spirale infernale et la nécessité d’un accompagnement sur le long terme.

L’accent a également été mis sur la nécessité de sensibiliser les jeunes, nombreux à être touchés par cette réalité. « Le coût de la vie pousse certains étudiants dans ces réseaux. Parfois, ce sont des mineurs. Il est donc crucial d’informer parents et enfants dans les écoles », souligne-t-elle. Plusieurs initiatives ont été mentionnées, notamment des ateliers de prévention dans les écoles secondaires et les collèges, ainsi que des campagnes de sensibilisation sur les dangers des réseaux sociaux, souvent utilisés pour recruter de nouvelles victimes.

Pour la directrice d’Oasis, la mobilisation croissante est encourageante. « Beaucoup ignoraient l’ampleur du problème. Lorsqu’ils sont informés, ils peuvent agir. Les jeunes, en particulier, deviennent des ambassadeurs dans leurs écoles. Ce forum montre que la prise de conscience progresse et que de plus en plus de secteurs s’engagent dans cette cause », conclut Mme Gasirabo.

Cette cinquième édition a ainsi démontré l’importance d’un travail collectif et d’un engagement continu pour combattre la traite des personnes et protéger les populations les plus vulnérables.

Photo (Oasis) : Une soixantaine de personnes ont participé au forum