Élo Gauthier Lamothe

Les femmes issues de l’immigration manifesteraient un plus haut niveau d’intentions d’entrepreneuriat que les femmes nées au Canada, selon un rapport du Portail des connaissances pour les femmes en entrepreneuriat.

Une récente étude menée en 2022 auprès de plus de 5000 répondants a révélé que les personnes immigrantes au Québec et au Canada sont plus susceptibles de s’engager dans l’entrepreneuriat que la population en général, mais se heurtent tout de même à des « obstacles systémiques ».

Chez les entreprises dirigées par des immigrantes, elles sont près de deux fois plus nombreuses à exporter – soit 17 % contre 10 % pour les entreprises dirigées par des femmes nées dans le pays.

Selon Déborah Cherenfant, directrice régionale de Femmes en entreprises au Groupe Banque TD, cela s’explique par la volonté de certaines personnes d’être en contrôle sur leur situation de travail et de développer une autonomie dans leurs décisions.

« Souvent, les personnes qui vont arriver sur le marché de l’emploi ne vont pas trouver chaussure à leur pied, et donc elles vont vouloir créer cet emploi. Le fait de partir en affaires est aussi une façon de s’intégrer, et donc l’intention d’entreprendre va être plus grande chez ces femmes-là », souligne-t-elle en entrevue.

Malgré cette ambition, les femmes entrepreneures issues de l’immigration font face à des obstacles supplémentaires, en particulier par rapport au manque de littératie financière.

« La littératie financière, c’est l’éducation à la finance pour en avoir une meilleure compréhension. Ça peut être des éléments de base, comme le budget et le crédit, mais aussi plus complexes comme le fait d’épargner et d’investir », explique Mme Cherenfant.

À ses yeux, cette éducation financière est cruciale pour les consommateurs afin de comprendre les impacts sur leurs salaires et leur pouvoir d’achat, notamment avec la récente hausse de l’inflation à travers le pays.

« C’est d’autant plus important pour les femmes parce qu’historiquement, ce n’est pas la façon dont nous avons été socialisées, que ce soit à comprendre, à apprendre ou même à s’intéresser à des questions financières », précise la directrice.

Selon elle, la construction toujours « genrée » de l’éducation des enfants perpétue un modèle dans lequel seuls l’homme ou le garçon acquièrent les compétences liées à la gestion des finances.

« La fille n’est pas appelée à s’intéresser à ces questions-là, et ce, dès son plus jeune âge, poursuit-elle. Cela vient créer ce qu’on appelle une aversion aux risques, soit une approche plus timide lorsqu’on va aborder l’argent. Une femme peut sentir qu’elle n’a pas les bons mots pour interagir dans ce domaine. »

Un réseau de contacts féminin

Afin de renverser ce déséquilibre, le Groupe TD a mis en place des initiatives pour favoriser la littératie financière chez les femmes entrepreneures, créant ainsi entre elles un réseau de soutien.

Muriel C. Koucoï, fondatrice de l’entreprise de cosmétiques biologiques SIMKHA, en a d’ailleurs bénéficié afin de développer son idée, d’établir un modèle d’affaires économique rentable et de trouver du financement.

« En tant que femme d’une minorité visible et issue de l’immigration, tu as toujours besoin de faire deux fois plus de travail que quelqu’un d’autre, soutient l’entrepreneure. (…) Ces réseaux nous permettent d’avoir accès à un groupe de mentors, un groupe de femmes qui ont une certaine expertise pour nous guider vers les ressources nécessaires. »

Cet « écosystème entrepreneurial » permet entre autres aux femmes entrepreneures de poser leurs questions, de briser leur isolement ainsi que de conserver des contacts et des références pour le futur.

Biologiste médicale et épidémiologiste clinique de formation, Mme Koucoï a su s’inspirer du savoir ancestral de ses origines béninoises pour créer une gamme de produits locaux, équitables et entièrement naturels en achetant des ingrédients biologiques directement des familles productrices au Bénin et au Ghana.

Elle avait d’ailleurs été parmi les 47 jeunes entrepreneures et entrepreneurs choisis pour représenter le Canada au sommet de l’Alliance des jeunes entrepreneurs du G20, en Allemagne, à l’automne 2022.

« La littératie financière, ce n’est pas juste le prêt qu’on te fait. C’est aussi toutes les opportunités auxquelles on peut t’exposer pour que tu te prépares comme individu derrière l’entreprise, et pour pouvoir générer ces richesses-là », assure-t-elle.

Source : La Presse canadienne / Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.