Depuis sa publication, le rapport du Conseil de planification d’une université de langue française en Ontario suscite de nombreuses réactions au sein de la communauté.
La dernière en date est celle de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO). Satisfaites de la perspective d’un projet de loi actant la création de l’université au sein d’un carrefour francophone basé à Toronto, les trois organisations ont toutefois conjointement déclaré apporter un « appui conditionnel au rapport » demandant, dans une lettre adressée aux ministres de l’Enseignement et des Affaires francophones, de clarifier « des lacunes importantes ».
Ouvrir la voie à un mandat provincial
Le triumvirat francophone déplore dans le rapport l’absence d’une « gouvernance par et pour les francophones au niveau de la province » mettant le doigt sur « la nature problématique des institutions bilingues dans le Nord et l’Est ». « On est conscients que c’est une première étape mais on veut s’assurer que, dès le départ, la vocation provinciale de l’université figure dans son ADN, qu’on garde une ouverture sur ce but à atteindre », prévient Carol Jolin, président de l’AFO.
Au sein de ces universités bilingues, que le rapport élève au rang de mentors
– un terme qui entretient l’ambiguïté entre affiliation et partenariat –, on se défend de vouloir gouverner ou même concurrencer la future université, en prônant la cohabitation de programmes complémentaires. Le Conseil de planification semble d’ailleurs emprunter cette direction, indiquant privilégier des programmes liés à l’éducation, au droit ou encore à la santé, que n’offrent pas les universités bilingues existantes.
Proposer des programmes exclusifs
Au RÉFO, on ferme la porte à cette hypothèse. « La meilleure option pour une institution naissante capable de s’enraciner, c’est qu’elle détienne l’exclusivité des programmes en français. Il faut que les universités partenaires se préparent à cette idée », tranche la coprésidente Josée Joliat, comparant cette situation aux écoles secondaires francophones qui n’ont pas vu le jour sans toucher aux écoles secondaires bilingues.
Répondant aux critiques d’une université centrée sur Toronto sans mandat provincial, la ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, a indiqué que la priorité était de « créer une université viable, en commençant par une base avec un potentiel d’affiliation. On a besoin du marrainage et de l’expertise d’autres établissements pour délivrer des diplômes reconnus. C’est une première en Ontario : le conseil de gouvernance sera par et pour francophones. Les universités seront des partenaires », a-t-elle rappelé, invitant chacun à relire le rapport.
Compte tenu de la croissance démographique, des besoins du marché de l’emploi et des services disponibles, Toronto est un lieu d’implantation tout trouvé qui permet de faire d’une pierre deux coups en abritant le Collège Boréal », abonde Carol Jolin.
« Regroupés dans un carrefour de l’innovation, les francophones auront leur quartier où se rencontrer et exceller à Toronto. C’est un premier pas qui répond à un besoin alarmant, renchérit Pablo Sandoval, président de la FESFO, conscient des nombreux défis qui resteront à relever en matière de logement, de frais de scolarité ou encore de ressources académique, humaines et budgétaires.
Siéger au comité de mise en œuvre
Interrogée sur la stratégie gouvernementale pour surmonter ces obstacles, la ministre des Affaires francophones Marie-France Lalonde a martelé qu’il revenait au comité de mise en œuvre de prendre ces décisions : « Le gouvernement s’engage à créer les conditions nécessaires pour offrir davantage de possibilités en termes de programmes postsecondaires en français et de qualité. Ce sera ensuite au comité de mise en œuvre intérimaire de suivre ou non les recommandations concrètes portant sur le site précis d’implantation ou encore les questions d’hébergement. »
Et d’ajouter : « Nous allons mettre ce comité en place le plus rapidement possible, en veillant à ce qu’il soit composé d’experts dans la création d’universités dans les domaines tels que la finance et la gouvernance ».
Écartés du Conseil de planification, les représentants étudiants espèrent cette fois être partie prenante du processus. « La jeunesse qui connaît profondément ce dossier demande à être incluse dans le comité de mise en œuvre et veut être directement consultés pour maximiser le potentiel énorme en Ontario d’un projet historique attendu depuis si longtemps », avertit Pablo Sandoval.
La future université de langue française fera encore couler beaucoup d’encre.
Photo (Universités Canada) : Si le calendrier est respecté, les premiers étudiants feraient leur rentrée en 2020.