La métropole canadienne a vibré au rythme d’une immersion culturelle où gastronomie et musique racontent des histoires de « La Perle des Antilles ». Au-delà des plats et des sons, l’événement invitait les participants à explorer un héritage vivant et réinventé.
Chrismène Dorme – IJL
Le samedi 15 novembre, la soirée Racine a transformé le Centre for Social Innovation en un lieu de célébration culturelle où éclataient couleurs, saveurs et sonorités venues d’Haïti. Dans une atmosphère chaleureuse, les convives ont été invités à un voyage sensoriel guidé par le chef Marc Kusitor et le DJ Rhandy Adolphe, tous deux profondément attachés à leur terre natale.
À l’origine du projet, Marc Kusitor cherchait à partager ce qu’il considère comme le cœur de son identité. « C’est d’abord l’histoire de mes racines. Comment les traduire dans une assiette? », confie-t-il. Le nom Racine s’est imposé d’emblée : il évoque le lien à la terre, l’héritage culturel haïtien, mais aussi les musiques traditionnelles comme le rara ou le kompa.
Pour nourrir cette réflexion, le chef s’est appuyé sur une série d’entretiens avec l’historien Wolfy Adolphe de l’Université York. Ses éclairages ont permis de contextualiser de nouveau la relation intime qu’entretient Haïti avec son sol : une relation agricole, spirituelle et quotidienne qui infuse la cuisine autant que la musique. « Wolfy a su raconter une partie de l’histoire que j’avais moi-même du mal à transmettre », reconnaît le chef, convaincu que cette mise en perspective était nécessaire avant même que les plats n’arrivent à table.
Le repas s’ouvrait sur une « salade joumou », hommage revisité à la célèbre soupe consommée le 1er janvier pour célébrer l’indépendance de 1804. Dans cette version automnale : courge « butternut » et kabocha, roquette, céleri, navets marinés et noix de cajou épicées, le tout nappé d’une vinaigrette inspirée de l’« épis », base aromatique de la cuisine haïtienne.
Derrière cette réinterprétation, une volonté claire d’innover sans perdre la signature haïtienne. « J’aime essayer de nouvelles choses. Ma mère, très traditionaliste, n’est pas toujours convaincue, mais elle accepte mes idées! Le but, c’est que les gens reconnaissent cette saveur propre à la cuisine haïtienne », ajoute-t-il.
Le Mayi Moulin, un plat à base de maïs souvent délaissé durant son enfance, arrivait ensuite. Marc Kusitor l’a redécouvert plus tard grâce à la polenta italienne, dont les similarités lui ont permis de renouer avec ce mets sous un jour nouveau. Pour lui, revisiter ce classique est un acte de transmission : « Une des plus belles expériences, c’est de faire goûter une saveur qui te ramène à ton enfance ».
En dessert, une crème inspirée des traditions françaises célébrait le dialogue constant entre les deux cuisines, rehaussé cette fois de vanille haïtienne, de patate douce et de gingembre.
La dimension musicale complétait l’immersion. Rhandy Adolphe, accompagné du duo Trust The Process Press, a composé une bande sonore où se mêlaient kompa, rara, salsa et influences africaines. Pour le chef passionné de musique, cette harmonie était essentielle. « Je voulais une expérience qui touche tous les sens. Dès qu’une personne entre dans ma cuisine, je veux que ses sens soient au rendez-vous : goût, vue, ouïe, odorat. »
Les convives ont été particulièrement touchés par la réinterprétation de la soupe joumou, retrouvant ses saveurs originelles dans cette version contemporaine. Au-delà du goût, Marc Kusitor souhaitait surtout transmettre une histoire. « Comprendre et apprendre quelque chose en dehors de ce que vous connaissez sur les gens et sur la culture et de se dire qu’il y a une histoire derrière chaque plat », précise le chef.
Après avoir travaillé dans plusieurs cuisines en Ontario et aux États-Unis, fondé ChopTime Catering, le chef assure que ce n’est qu’un début. « Chaque mois, je crée de nouvelles expériences, à Toronto comme à Montréal », dit-il. Une promesse que d’autres soirées Racine viendront certainement honorer.
Photo : Le chef Marc Kusitor aux fourneaux (Crédit : Rhandy Adolphe)






