Dans le cadre du festival Contact, et en collaboration avec l’Université Ryerson, l’Alliance française de Toronto présente Le spectateur pensif. Une exposition de deux étudiants fraîchement diplômés de l’Université Ryerson, sélectionnés par un jury composé de membres des trois institutions.

Quelque chose semble différent dans la Galerie Pierre-Léon de l’Alliance française. On ne saurait dire quoi. On propose bien un verre de vin à l’entrée. La lumière est plus sombre peut-être. La lumière ou la couleur? La couleur. Les murs ont perdu leur sage teinte « blanc cassé » et ont adopté un élégant gris électrique.

« Ce sont les artistes qui ont repeint les murs, gratuitement, glisse Patricia Guérin, qui dirige le secteur culturel de l’Alliance. Les professeurs aiment beaucoup. » Le changement d’ambiance, à la fois plus grave et plus intime, fait partie intégrante de l’exposition du jour.

Au bout de la galerie, le mur est recouvert d’un revêtement noir. Et sur ce mur, des photographies en noir et blanc. « Plus de 500 », annonce Benjamin Freedman, l’un des deux artistes. Devant le mur, un escabeau. Une jeune fille à la mode grimpe, se penche. Délicatement, elle décroche une photo. Une vue urbaine brumeuse. Après être descendue, elle la glissera dans une enveloppe noire, puis dans son minuscule sac à main. « Les photographies sont là pour que les visiteurs les décrochent », explique Benjamin Freedman. Elles sont remplacées de temps en temps.

On se met alors à regarder ce mur avec attention, faisant dériver le regard d’un cliché à l’autre, se demandant déjà lequel on emportera avec soi. Savoir que l’on peut prendre, et donc posséder une œuvre, change notre regard en même temps que notre relation à l’œuvre. Gratuitement, nous posséderons une photographie.

« Avec Aaron Friend Lettner, nous voulons partager nos photos. Nous sommes jeunes et venons juste de terminer nos études. Nous n’avons pas encore accès aux grandes galeries alors nous avons pensé que ce serait une bonne idée de faire ce cadeau aux gens qui viendraient nous voir », poursuit-il.

Dans un monde où les écrans sont partout et où ces écrans montrent des images numériques, et donc dématérialisées, c’est un acte finalement assez subversif que de proposer de prendre dans ses mains des photographies. C’est leur redonner une consistance, leur essence et leur fonction.

Tout au fond de la galerie, dans le recoin, deux vieux projecteurs 16 mm, très beaux, font cliqueter leur pellicule en projetant des films craquelés, en noir et blanc, sur deux écrans. Des images de la ville tournées l’hiver dernier. Et une impression un peu mélancolique. L’impression de partager avec les photographes leur regard sur le monde.

Photo : Aaron Friend Lettner et Benjamin Freedman